
par Raymond Blanchard, agent de recherche et projets
Lors de la réunion du Conseil des gouverneurs du samedi 29 novembre, une hausse des tarifs pour les résidences universitaires a été approuvée. En 2013-2014, il en coûtera un peu plus cher d’habiter dans un logement étudiant géré par l’UdeM. À moins que vous ayez vos pénates à Lafrance, ou dans les appartements à 2 chambres rue Morton ou McLaughlin, votre facture augmentera de 58$ à 115$ à compter de la prochaine rentrée.
58$ à 115$ ce n’est pas si mal, si on ne regarde que les chiffres. Comparativement au coût des études, certainement, on parle d’une somme presqu’insignifiante.
Mais ces sommes «insignifiantes» sont les plus dangereuses.
Parce que ce genre d’augmentation «raisonnable» peut se répéter d’année en année, et d’ici cinq ou dix ans, les étudiant(e)s se demanderont comment ils en sont venus à payer aussi cher pour un logement universitaire. Et l’argument d’un coût prohibitif devient invalide puisque la demande ne fléchit pas. Ce n’est qu’alors, a posteriori, que le calcul prendra tout son sens.
Si vous deviez demeurer, disons, dix ans à Lefebvre, il serait intéressant de comparer le premier loyer à celui de la fin. Je ne suis pas convaincu que ce serait avantageux comparativement au marché du logement, en fait d’augmentation.
À la défense de l’UdeM, ces logements ne sont certainement pas une source de profit : si le loyer exigé peut couvrir les dépenses en électricité et en eau j’imagine que c’est à peu près tout. L’entretien, même fait à bon prix par les employés de l’Université, représente une dépense. De plus, il serait injuste de refiler la facture d’un logement moins cher à toute la communauté étudiante vu le nombre limité de places. Mais, tout de même, que dire des prix?
On entend déjà l’antienne : «ces prix sont comparables –ou compétitifs- à ce qu’on voit ailleurs à Moncton»… Alors que demander de plus? Les dépenses augmentent d’année en année, donc le coût d’opération aussi. Si le marché le dicte, il faut bien qu’on monte nos prix comme tout le monde, non?
Peut-être… Mais pourquoi au juste?
L’idée d’un coût compétitif est défendable seulement du moment ou le but d’afficher un tel prix soit d’être un compétiteur : or la clientèle de l’Université de Moncton se limite aux étudiant(e)s. Des étudiant(e)s qui ont des moyens et un budget d’étudiant(e)s, qui s’endettent bien souvent pour étudier ici et qui, s’il en avaient –géographiquement ou matériellement parlant- les moyens, choisiraient de demeurer au domicile familial, où ils seraient logés, nourris et blanchis sans facture.
Rester compétitif n’est pas une excuse pour une institution qui héberge des étudiant(e)s qui, essentiellement, choisissent un logement universitaire parce qu’ils ou elles n’ont pas d’autre choix (ou n’entrevoient pas d’autre possibilité). C’est ce qu’il y a de plus facile; parce que, de un, cela peut se faire sans avoir à se déplacer sur les lieux, sans venir à Moncton –une ville qu’ils et elles ne connaissent probablement pas, et leurs parents non plus- et, de deux, quand on se prépare à quitter le domicile familial, cela est très rassurant de savoir des mois d’avance qu’un logement meublé, près du campus ou directement sur les lieux, nous attend. La transition devrait être plus facile en ces termes. Avoir la certitude de ne pas se perdre en ville pour qui vient d’un petit village, ça a son attrait.
Alors, pourquoi chercher à demeurer compétitif? Je n’ai aucune idée du taux d’occupation des logements universitaires, mais considérant la clientèle ciblée, un prix avantageux (comparativement aux logements extérieurs) assurerait que ce taux demeure très élevé. De là, par la simple loi du nombre, les revenus constants permettraient une meilleure planification des budgets d’opération. Mais je m’arrête avant de tomber dans la pornographie comptable.
De notre côté, on a quand même conduit une recherche rapide sur les coûts du logement dans le secteur de l’UdeM, et il faut dire que ça n’est pas très avantageux pour les prix de l’Université. La recherche s’est concentrée sur les sites GoRent et Kijiji, deux outils populaires pour une telle recherche. Idéalement, il faudrait pouvoir tenir compte de ce qui est inclus dans le loyer universitaire, versus ce qui ne l’est pas dans d’autres loyers, ce qui pourrait rétablir la balance des choses, mais pour le simple plaisir de la chose, adonnons-nous à quelques comparaisons :
Une chambre/studio coûte actuellement entre 3646$ (Lefebvre, type 1) et 5258$ (Pierre-A. Landry), ce qui veut dire 4452$ en moyenne; donc l’équivalent de 557$ par mois. Comme en chambre l’électricité et l’internet sont le plus souvent inclus, sinon les repas, on peut faire une comparaison assez juste avec les options ailleurs en ville.
Une chambre meublée, dans le secteur de l’UdeM, va vous coûter entre 300$ et 625$ par mois, donc 463$ par mois en moyenne, ce qui représente 3704$ pour les huit mois de l’année universitaire. C’est dire que l’option moyenne de logement en chambre hors-campus se compare à l’option la moins chère sur le campus.
Sur une note personnelle, j’ai habité dans l’option la moins chère sur le campus, il y a une dizaine d’années. J’espère que les rénovations ont amélioré les choses. Cellule de moine psychédélique…
Donc, si vous voulez une chambre, vous êtes aussi bien d’aller voir ailleurs. Dans les options plus chères (on parle d’entre 450$ et 550$ par mois en général) on vous met une chaise à la table et vous mangez avec la famille. Plus le fun qu’un fond de réchaud au 63, et certainement plus chaleureux comme ambiance. C’est à se demander pourquoi on irait en résidence, sinon que c’est l’option la plus facile pour ceux qui viennent de loin…
Pour les appartements, c’est une autre paire de manches. Parce que le prix total d’un logement universitaire hors-campus augmente avec le nombre de locataires, mais le prix par locataire, pour sa part, diminue. Par exemple, le coût d’un appartement à 2 chambres (Morton ou McLaughlin) est de 7094$ pour 8 mois si occupé par deux personnes (chacun paye 3547$), et 7146$ s’il y a trois occupants (chacun paye 2382$). Ce n’est pas une grande différence, mais une différence quand même.
Quoi qu’il en soit, on parle alors d’un loyer mensuel (tout inclus sauf pour la télé/téléphone/internet) allant de 887$ à 893$. Ces appartements, comme les chambres en résidence, doivent être laissés vacants durant l’été.
Ailleurs en ville, dans le secteur de l’UdeM/Hôpitaux, les appartements 2 chambres se louent entre 630$ et 995$ par mois (soit 5040$ et 7960$ pour huit mois). Mais pour un logement convenable, on doit prévoir environ 750$ par mois. Ici, en général, rien d’inclus par contre : on peut ainsi compter sur un minimum de 150$ additionnels pour l’électricité et la télé/téléphone/internet.
Autrement dit, le loyer total (plus extras) à l’extérieur du campus est comparable ou inférieur à celui de l’Université, tout dépendant des standards de logement.
Mais là encore, on peut trouver à se loger bien en-dessous du prix demandé par l’Université, et dans des logements qui ne sont pas forcément en moins bon état. J’ai habité dans les appartements de la rue Ward à l’époque, et mon frère dans ceux de la McLaughlin… iiiiiishhh.
Donc, en fait de logement, il serait peut-être temps que l’Université cherche à trouver sa propre niche, c’est-à-dire de fournir des logements aux étudiants (car elle n’en fournit à personne d’autre) à un prix étudiant, ou alors à se lancer dans la spéculation immobilière hors de sa zone d’affluence, si c’est la compétition qui doit l’emporter. Or, ce serait là une dépense extrêmement difficile à justifier.
Du moins en fait d’appartements, à Moncton, il est difficile de voir l’avantage. Et pour ce qui est des chambres, alors là, c’est la compétition qui l’emporte, et haut la main.