Un texte de Raymond Blanchard, agent de recherche et projets
La rentrée arrive, OK, mais on rentre par quelle porte et comment? Avouez que ce serait logique de planifier ces choses-là un peu plus tôt que dans le rush de la rentrée, entre le 15 août et le début septembre…
Parce que, quand on se trompe, qu’on oublie un détail important, qu’on manque de clarté ou que - et ça arrive, hein - on ne prévoit pas de réponse à une question importante parce qu’on est complètement aveuglé par une autre problématique, c’est bon de pouvoir prendre conseil auprès de la communauté avant de couler tout ça dans le béton.
Ajoutons encore l’imprévu (oui - mais pas imprévisible) sous la forme du gouvernement provincial qui annonce que « tous les employés du secteur public devront être pleinement vaccinés ou devront se soumettre régulièrement à des tests de dépistage et porter un masque au travail jusqu’à ce qu’ils aient reçu leurs deux doses du vaccin. » (GNB)
C’est dit de façon plutôt vague, il faut en convenir. J’en déduis qu’à ne vouloir pointer personne du doigt, on a préféré que tout le monde se pointe en demandant « moi? ».
Toutefois, seuls les employés du gouvernement sont tenus de se faire vacciner pour l’instant. Celles et ceux qui refusent devront se soumettre à des tests de dépistage réguliers. (Radio-Canada) Le personnel scolaire et infirmier, par exemple, est directement affecté, de même que l’ensemble des fonctionnaires provinciaux.
Reste ensuite « les autres institutions de compétence provinciale, qui suivront l’exemple de la fonction publique », l’espère Higgs - mais auxquelles la mesure ne sera pas imposée. Il n’écarte toutefois pas la possibilité d’adopter une réglementation en ce sens, si l’évolution de la pandémie dans la province venait à le justifier.
Alors, tout et rien, vite ou éventuellement, certainement ou peut-être. C’est clair... et flou.
Sans être sous contrôle direct du gouvernement, les universités publiques relèvent de la compétence provinciale - au sens législatif et financier, la chose est évidente. C’est pourquoi les universités publiques sont soumises à la Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée, par exemple. Sauf que le gouvernement ne peut pas dicter la gestion interne des universités pour autant: son pouvoir se limite aux recommandations. Alors, la suite?
Il y a peu de temps, la « période de transition » a été prolongée jusqu’au 15 octobre au campus de Moncton, en raison de l’éclosion dans la zone 1. Ailleurs, les mesures pourraient être révisées en fonction de l’évolution régionale de la situation à compter du 24 septembre. (UMoncton) Mais, dans l’ensemble, voici le portrait:
Mesures sanitaires à l’Université de Moncton pour la rentrée 2021
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Tous les membres de la communauté universitaire sont tenus de se conformer à ces mesures, incluant les personnes pleinement vaccinées. Pour les étudiant.e.s internationaux pleinement vaccinés (note: le vaccin doit être reconnu au Canada) l’auto-isolement à l’arrivée n’est plus nécessaire. Il faut noter que pour les autres, l’auto-isolement ne peut pas être complété dans les résidences du campus, qui sont remplies à capacité. (UMoncton)
L’UMoncton a été la dernière à annoncer son plan pour la rentrée, mais ce qu’elle propose reflète ce qui se fait ailleurs au N-B. Dans l’ordre, les universités Mount Allison (MTA) et St. Thomas (STU), (Radio-Canada), puis du Nouveau-Brunswick (UNB) ont mis de l’avant des mesures semblables en réaction à l’annonce la vaccination obligatoire dans le secteur public. (CBC)
Je devrais dire “obligatoire”, car ça peut induire en erreur. Les personnes qui ne sont pas pleinement vaccinées auront quand même accès au campus, mais devront se soumettre à des tests de dépistage réguliers. À date, tout le monde devra continuer de porter le masque à l’intérieur et de pratiquer la distanciation physique.
En date du 12 août pourtant, aucune université en Atlantique ne prévoyait imposer la vaccination obligatoire à la rentrée. (Radio-Canada) On s’entend que les choses peuvent changer rapidement.
Il faut dire, aussi, que la grande majorité des universités et collèges du Canada a annoncé la mise en place d’une forme ou l’autre de vaccination obligatoire pour la prochaine rentrée depuis le début août. (Eduvation) Certains avaient promis, juré et répété que l’année 2021-22 marquerait un retour complet à la normale, sans masque ni distanciation; mais le virus s’en fiche, apparemment.
Car réouverture rime souvent avec éclosion. Le Nouveau-Brunswick, après avoir levé l’état d’urgence sanitaire à la fin juillet, s’est rapidement vu confronté à une hausse des nouvelles infections. Par ailleurs, la région de Moncton est la plus durement touchée, où 94% des cas rapportés touchent des personnes qui n’ont pas été pleinement vaccinées. (GNB)
On sait que la majorité de la population du N-B est pleinement vaccinée - mais on sait aussi que le taux de vaccination varie d’une tranche d’âge à l’autre. La marque annoncée pour le passage à la phase verte (75%) n’est toujours pas atteinte, il faut le mentionner. Même si le N-B s’en tire relativement bien, il faut aussi garder en tête que les membres de la communauté universitaire ne proviennent pas tous de la province, ni du Canada.
Tant qu’à rester en bémol, on sait aussi que le groupe des 20-29 ans est le moins vacciné au N-B. S’il faut s’encourager, des analyses de l’attitude envers la vaccination ont identifié un lien évident entre le niveau d’éducation et la volonté de se faire vacciner. (CBC)
Malgré tout, vouloir n’est qu’une partie de l’équation; encore faut-il pouvoir.
La vaccination connaît des ratés en plusieurs endroits du globe. En Afrique par exemple, des milliers de doses expirent avant d’arriver à destination (BBC). Bien que les autorités soutiennent que le vaccin reste efficace passé sa date de péremption (plusieurs vaccins le sont jusqu’à 36 mois après leur production), la situation cause bien des doutes à la population. Dans la majorité des pays de la francophonie africaine, le taux de vaccination complète ne dépasse pas 5%.
Si le portrait est plus encourageant ailleurs dans la Francophonie, il n’y a que la Belgique où le taux de vaccination complète dépasse 60% à l’heure actuelle parmi les pays membres de l’OIF. (Our World in Data (20 août 2021)) Par comparaison, à Haïti, ce taux est de 0%.
Il n’est donc pas toujours facile d’obtenir ses deux doses du vaccin, même si on y croit et qu’on le désire.
Par-dessus le marché, il faut que le vaccin reçu soit approuvé au Canada. La personne qui arrive avec le dosage complet d’un vaccin non approuvé, comme Spoutnik V, Sinopharm, ou Sinovac, pour nommer les plus répandus (BBC) devra se faire vacciner à nouveau, au moins partiellement. (Canada) Les vaccins Pfizer-BioNTech, Moderna, AstraZeneca et Janssen/Johnson & Johnson sont les seuls qui répondent aux exigences canadiennes pour l’instant.
C’est pourquoi l’approche adoptée par les universités de la province semble être la bonne, en repoussant l’échéance de la vaccination, puis en tenant des cliniques de vaccination sur le campus, ou en facilitant l’accès à des cliniques existantes à proximité. (Radio-Canada)
Or donc, à l’aube de la rentrée, voilà qui - je l’espère - vous permettra d’y voir un peu plus clair dans les brumes du campus.