Photo : Marc-Samuel Larocque, agent de communication
On parle souvent de la puissance des mots; aujourd’hui disons un mot sur leur valeur.
Chaque année en décembre, le Conseil des gouverneurs de l’Université de Moncton (CGV) se réunit pour adopter les principes directeurs du budget pour la prochaine année universitaire. Il n’y est généralement pas question de chiffres ni de projections budgétaires, mais plutôt des priorités à considérer dans l’allocation des fonds.
En toute candeur, il est plus que probable que la manière dont ces derniers sont rédigés masque une planification déjà assez avancée. Le contraire serait, en fait, plus inquiétant.
Il y a deux ans, peut-être vous en souvient-il, la FÉÉCUM a fait une sortie publique suite à l’adoption des principes directeurs, où l’adjectif «compétitifs» s’était subrepticement adjoint au terme «droits de scolarité» (FÉÉCUM).
Vaine panique, du moins selon certains. La suite nous prouva que non: si le budget 2018-2019 fut relativement clément envers les étudiant.es (serait-ce, ô mystère, qu’une élection provinciale pointait à l’horizon?), les mêmes principes étaient votés en décembre 2018 et, en juin suivant (entre vous et moi il faut que ça aille mal en batince [Radio-Canada] pour qu’une université adopte son budget deux mois après le début de son année budgétaire), une hausse de 8% des droits de scolarité était annoncée pour la rentrée de septembre 2019 - la plus forte dans les Maritimes (CESPM).
Bref, tout ça au nom de la «compétitivité». C’est un autre de ces mots dont la définition change d’une personne à l’autre, mais dont le résultat net, évident, et tristement prévisible est que les droits de scolarité continuent d’augmenter.
Mais je vous le demande : pourquoi «compétitifs»? Qu’est-ce qu’on cherche à gagner et qui on cherche à vaincre?
Mais qu’ouïs-je? Serait-ce l’abrasif aria de l’oiseau de malheur qui se les gèle à ma fenêtre (honni soit qui mal y pense, je parle évidemment de ses cordes vocales)? Être compétitif, c’est surtout charger plus cher parce que les autres chargent plus cher, tinte-t-il.
J’ai l’doua.
Et puis à la base, la compétition entre institutions à but non lucratif, ça se déroule sur le terrain du prestige. Et quand vient le moment de se sortir le prestige, le plus, le mieux. Simple question de différenciation. Dans le monde universitaire, la chose tient en trois mots: cher égale prestigieux. (FÉÉCUM)
Disons enfin que les principes directeurs changent habituellement aux trois ans, en fonction des plans triennaux adoptés par le CGV. Le plan en vigueur couvre les années 2017-18 à 2019-20 (donc, les budgets 2018-19 à 2020-21), ce qui signifie en outre que le prochain plan triennal doit coïncider avec la première année d’un hypothétique protocole de financement entre l’Université de Moncton et le gouvernement provincial. Ça signifie aussi au moins une autre année de droits «compétitifs».
À ce sujet: St. Thomas a signé le protocole à son tour en juillet dernier, après trois ans de négociations. En bout de ligne, rien n’a été changé dans le document du départ (Aquinian). Ceci dit, le document comme tel ne figure pas sur le site de l’établissement, ni celui du gouvernement. Puisqu’il y a fort à croire qu’il n’y a pas eu grand sourires dans la salle quand il fut signé, je ne pense pas qu’il faut s’en surprendre.
Tout espoir d’une modification aux montants remis dans les trois autres universités (qui ont signé au cours de la première année) s’est évanoui avec cette signature. Ne cherchons pas plus loin la raison de l’intransigeance du gouvernement avec STU. Un avantage quelconque consenti là signifiait une possible renégociation avec les trois autres.
Et les temps sont durs, étiez-vous au courant? (Acadie Nouvelle)
Pour revenir aux principes directeurs, on s’est intéressé à voir quel genre d’effet ces derniers ont pu avoir sur le coût des études à l’Université de Moncton au fil du temps.
- CGV-171209 : «Assurer l’accès aux études universitaires en maintenant des droits de scolarité compétitifs et un programme d’aide financière pour les étudiantes et étudiants en besoin.»
- 2018-19 à 2019-20: 8% d’augmentation…. et il nous reste un an.
- CGV-141206 : «Prioriser l’accès aux études universitaires en gardant au minimum l’augmentation des droits de scolarité et en maintenant un programme d’aide financière pour les étudiantes et étudiants en besoin.»
- 2015-16 à 2017-18: 4% d’augmentation.
- CGV-111126 : «Prioriser l’accès aux études universitaires en maintenant des droits de scolarité concurrentiels par rapport à la moyenne des autres universités du Nouveau-Brunswick.»
- 2012-13 à 2014-15: 6% d’augmentation.
- CGV-081206 : «Maintenir les droits de scolarité concurrentiels par rapport à la moyenne des autres universités du Nouveau-Brunswick.»
- 2009-10 à 2011-12: 4% d’augmentation.
- CGV-051203 : «Maintenir les droits de scolarité concurrentiels par rapport aux autres universités du Nouveau-Brunswick et de la moyenne des droits de scolarité des universités du Canada excluant les universités du Québec.»
- 2006-07 à 2008-09: 4% d’augmentation (NOTE: les droits de scolarité ont été gelés au N-B entre 2007-08 et 2010-11)
- CGV-031206 : «[Viser l’atteinte de] l’équilibre entre l’accès aux études universitaires et les droits de scolarité concurrentiels par rapport aux universités du Nouveau-Brunswick.»
- 2003-04 à 2005-06: 9% d’augmentation.
Et malgré tout, les défis de l’Université restent essentiellement les mêmes… Faudrait surtout pas parler de changement.
Question de principes.
Aucune position officielle du C.A. de la FÉÉCUM ne devrait en être nécessairement interprétée.