
Par Raymond Blanchard, agent de recherche et projets.
L’infographie que nous avons présentée récemment dans le cadre de notre campagne Mon stage me ruine a suscité plusieurs réactions. C’est l’effet désiré et nous en sommes heureux, mais elle a aussi soulevé quelques questions qui méritent une réponse.
1. Pourquoi le salaire minimum?
Premièrement, considérant les salaires élevés généralement associés aux milieux de travail où se trouvent les stagiaires visés par notre campagne, pourquoi avoir choisi d’utiliser le salaire minimum en tant que mesure de base? Une stagiaire a en outre fait remarquer que, dans le domaine de l’éducation, il est possible d’être embauchés comme suppléants au cours des études, et que le salaire associé à ce rôle est beaucoup plus élevé que le salaire minimum.
C’est tout à fait vrai; ce cas est toutefois particulier. La raison du choix du salaire minimum dans nos revendications cherche d’abord à illustrer, par une mesure commune, la valeur du travail. On peut difficilement argumenter sur le nombre d’heures passées en milieu de stage car ce dernier est réglementé (en terme de semestre, de semaines, ou carrément d’heures) alors, sachant ce nombre d’heures il nous fallait une valeur unique pour illustrer la «valeur» nominale du travail réalisé gratuitement par les stagiaires.
Le salaire minimum, je ne vous apprendrai rien, est le montant minimal qui, d’après la loi, puisse être versé en compensation pour le travail salarié. Bien des professions permettront d’atteindre un salaire plus haut, mais aucune ne pourra verser un salaire plus bas.
Ça a le double mérite de montrer que, même quand on réduit la valeur du travail au minimum permis par la loi, les sommes revenant aux stagiaires restent trop élevées.
2. Comment on a décidé du nombre d’heures complétées?
J’y ai touché précédemment: les programmes d’étude réglementent le nombre d’heures qui doit être complété pour répondre aux exigences du programme, et de la profession (car un stage se veut une période de formation en milieu de travail sans en porter le nom - ni le salaire - qui prépare à l’entrée dans la profession). Ainsi la durée des stages dans les programmes d’études se mesure en terme d’heures (SINF), de semestre (GLST), de session (EDUC, TSOC) ou de semaines (NUAL).
Nous avons donc ramené tout cela en heures, en prenant pour acquis qu’un semestre/session dure 16 semaines, et que chaque semaine de travail représente 40 heures.
Pourquoi pas 35? Du moins en SINF et en EDUC - les deux programmes regroupant la majorité des stagiaires - aucune semaine de travail ne dure 35 heures. Vous y avez une heure de dîner sur papier, mais dans les faits cette heure est le plus souvent consacrée à la préparation, à la surveillance, au rattrapage, ou se voit carrément reportée à plus tard en raison d’une situation urgente. Et tout ça sans compter les heures de préparation en-dehors du milieu de travail, le soir et les fins de semaine. Dans plusieurs cas, même la semaine de 60 heures pourrait sembler trop peu, mais il faut encore une fois utiliser une mesure qui s’applique uniformément.
3. Pourquoi rémunérer seulement le dernier stage?
Ici aussi de bonnes questions ont été soulevées. Dans la majorité des cas, le dernier stage (ou une combinaison de stages au cours de la dernière année du programme) représente un moment où l’étudiant.e est davantage appelé à agir avec autonomie et appliquer les connaissances acquises, c’est-à-dire d’une manière qui les sort du statut d’observateur pour les placer au coeur de la prestation de services.
La majorité des programmes utilise les stages initiaux en milieu de travail comme une occasion d’observer et de s’intégrer graduellement à la pratique, en prévision du dernier stage qui sera l’occasion d’intégrer les connaissances et d’agir comme le font les professionnels du milieu.
Cependant, le cas de SINF reste particulier; non seulement ces stagiaires sont appelés à prodiguer des soins aux patients lors de chacun de leurs stages (il est vrai, avec un degré attendu d’autonomie qui va varier au fil du temps), mais la dernière année de stage n’est pas celle qui sera la plus chargée. Il n’est pas question d’être simple observateur; oui, il y aura davantage de supervision et d’accompagnement durant les premiers stages, mais la nature des soins à être prodigués, et le rapport avec la patiente ou le patient resteront essentiellement les mêmes.
Puis il faut aborder la question de la durée. Les stagiaires de SINF doivent compléter 540 heures de stage en 2e année, 360 heures de stage et 3e année, et 405 heures de stage en 4e année, pour un grand total de 1305 heures, l’équivalent de 32 semaines de 40 heures. (UMoncton)
Ça mes amis, ça en fait des heures où le système de santé bénéficie des services de stagiaires qui, même quand on ne peut pas les qualifier de complètement autonomes dans la pratique des soins, soulagent tout de même une certaine pression sur le système.
D’un point de vue académique, ce serait seulement pendant l’internat professionnel (225 heures), en fin de programme, qu’on pourra les juger comme ayant un statut égal à celui des stages de fin d’étude dans les autres programmes.
Nous avons donc choisi d’inclure toutes les heures de stage au cours de la dernière année d’étude afin de fournir un portrait aussi juste que possible de la situation pour tous les programmes visés. Il demeure que dans le cas de SINF nous devons admettre que la structure des stages joue quelque peu contre les stagiaires à cet égard.
Espérons que ces quelques explications aideront à mieux comprendre la nature des calculs que nous vous présenterons au fil des prochaines semaines. Cela dit, vos questions et commentaires restent les bienvenus car nous travaillons ici avec des réalités qui se ressemblent sans être identiques pour autant. Ça a ses avantages comme ses défis.
Il y aura toujours des exceptions à la règle, mais il faut choisir une mesure.
Aucune position officielle du C.A. de la FÉÉCUM ne devrait en être nécessairement interprétée.