
Par Raymond Blanchard, agent de recherche et projets.
Le gouvernement Gallant a annoncé hier devant la chambre de commerce du Grand Moncton un investissement de 25 M$ pour stimuler l’emploi chez les jeunes Néo-Brunswickois.e.s et leur rétention dans notre province après la fin des études. Ce qui inclut « la création d’un programme de stage rémunéré au sein du gouvernement provincial visant à embaucher des Néo-Brunswickois fraîchement diplômés... » (GNB).
On peut s’entendre que la deuxième partie de la phrase sera retirée de bien des conversations.
La FÉÉCUM milite depuis bientôt un an pour la rémunération des stages pendant les études (alors AVANT d’être fraichement diplômé) dans les services publics provinciaux,. La campagne #MonStageMeRuine, généralement bien reçue, a porté cet enjeu à l’attention du public. Et quand le public en parle, le gouvernement écoute. Particulièrement en cours d’année électorale...
Tristement, ce même public pourrait croire le problème réglé. Il ne l’est pas.
Si ça se peut, la situation a empiré, à vrai dire.
Ces stages ne sont pas tout ce que ces 25 M$ visent à accomplir, par ailleurs. Cinq objectifs distincts sont formulés par le gouvernement:
- créer des possibilités d’apprentissage expérientiel (rémunérées ou non, aucune idée)
- ajouter des emplois au programme SEED
- créer des stages rémunérés dans le gouvernement provincial (pour diplômés)
- de nouvelles mesures de réduction de la dette étudiante au postsecondaire
- une campagne de sensibilisation pour aider le choix de carrière au secondaire
Alors bref, étudiantes et étudiants, il y aura de nouvelles mesures d’aide financière pour compenser les 25 M$ coupés dans ces programmes par le gouvernement Gallant. Quoi, combien, comment et pour qui, ça on n’en sait rien du tout. Mais il y a fort à parier, en regardant les autres initiatives proposées dans cette annonce, que ce sera conditionnel à ce que vous restiez au N-B après les études. Rien n’a été dit en ce sens, toutefois.
Aussi, vu le peu d’information fournie par le gouvernement, nous avons quelques questions:
1. Quel message envoie-t-on aux étudiants - et aux diplômés - quand on sait que leur dette avoisine 35 000$ en moyenne à la fin des études, et qu’on dit vouloir les garder dans la province en leur offrant un emploi précaire et certainement sous-rémunéré? Quand ils commencent justement à rembourser leur dette étudiante, en plus?
2. Quel sort atteint ces stagiaires qui n’auront pas l’emploi promis en bout de parcours? On sait combien de diplômés ont accepté des stages s’approchant plus de l’esclavage que du travail en s’accrochant à l’espoir d’un hypothétique emploi. D’ailleurs, quel pourcentage des départs à la retraite est réellement appelé à être comblé par le gouvernement?
3. À quelle hauteur va sauter le syndicat de la fonction publique si le gouvernement peut « embaucher » des stagiaires et les payer - on le suppose - moins que les employés syndiqués pour compléter les mêmes tâches?
4. Quelle réaction aura le secteur privé, si le gouvernement embauche à rabais des travailleurs hautement éduqués mais inexpérimentés? Pourquoi l’employeur qui voit agir le gouvernement ne déciderait pas de faire la même chose? Pourquoi devraient-ils se priver d’économies réalisables sur le dos des stagiaires?
5. Est-ce que le gouvernement ne vient pas de créer un problème (les stages non-rémunérés, ou sous-rémunérés dans ce cas, après la fin des études) qui n’existait pas vraiment au N-B avec cette nouvelle initiative? Va-t-il finir par payer pour les stages dans le secteur privé aussi? L’apprentissage expérientiel ouvre certainement cette porte.
6. Le programme SEED est bénéfique pour la minorité d’étudiant.e.s qui y accèdent (2000 positions disponibles, pour 22 200 étudiants au N-B l’an dernier (FÉÉCUM), environ une place par dix étudiants). Plus d’emplois SEED signifie plus d’opportunités, oui ,mais ne s’agit-il pas aussi d’une possibilité pour le gouvernement de retourner plus d’argent dans ses poches et celles du secteur privé au détriment de l’aide financière aux étudiant.e.s?
7. Aucune législation ne protège les stagiaires en tant que travailleurs au N-B: comment le gouvernement compte-t-il naviguer ce vide législatif s’il doit rémunérer ces derniers? Et s’il y a éventuellement législation à ce sujet, est-ce que tous les stagiaires auront un statut égal, ou les étudiant.e.s seront-ils traités en citoyens de deuxième (voire, troisième) classe?
8. Si le gouvernement peut embaucher un nouveau diplômé dans une position de stagiaire rémunéré, qui ne reconnaît donc pas pleinement sa compétence ni sa formation, qu’est-ce qui l’empêche de rémunérer les stagiaires étudiants, qui sont obligés de contribuer gratuitement à la livraison de services publics, et de payer pour le faire?
9. Est-ce un moyen détourné pour faire entrer plus de travailleurs non syndiqués, avec une supposée dette de gratitude envers le gouvernement, dans une fonction publique en phase de renouvellement? Compte-t-on aussi réduire la taille de la fonction publique, ou réduire le pouvoir du syndicat à l’intérieur de cette dernière?
10. L’annonce parle de créer « de nouvelles mesures pour réduire l’endettement des étudiants de niveau postsecondaire »... on peut avoir plus de détails que ça, SVP? Surtout qu’une annonce de 25 M$, quand ça correspond exactement au montant coupé dans l’aide financière aux étudiants, on s’entend-tu que ça passe un peu de travers?
Alors, pour l’instant, le slogan demeure valide: mon stage me ruine encore!
Aucune position officielle du C.A. de la FÉÉCUM ne devrait en être nécessairement interprétée.