
On ne va pas faire l’autruche: une bonne part des étudiantes et étudiants de l’Université de Moncton n’est pas en faveur d’un retour à l’enseignement en présentiel. Tout le monde n’est pas du même avis sur la question, bien sûr, et plusieurs se disent aussi prêts à revenir en salle de classe, à revoir des gens, à créer des contacts, à renouer avec un semblant de vie normale. Mais d’après le dernier sondage de la FÉÉCUM, les réticents sont plus nombreux que les enthousiastes. Et je ne les blâme pas.
Peut-être que l’absence apparente de contrôle sur la propagation du variant Omicron fait craindre le pire.
Peut-être que c’est un risque qui n’en vaut pas la chandelle, pour les personnes vulnérables ou dont un membre de la famille est à risque de complications sévères.
Peut-être que c’est plus tentant de rester chez ses parents et de sauver un peu d’argent.
Peut-être que ça semble improbable que le campus reste ouvert jusqu’en avril, et qu’on perdrait notre temps à revenir maintenant.
Peut-être qu’on en a marre de faire le yo-yo du présentiel au virtuel.
Peut-être que c’est parce qu’on finit par s’habituer à tout, incluant l’enseignement à distance.
Peut-être que c’est pour une autre raison, aussi.
Mais une chose semble claire: la confiance envers l’Université n’est pas à son plus fort; particulièrement en sa capacité d’appliquer les protocoles censés assurer un retour sécuritaire. C’est pourquoi une partie importante de la communauté étudiante souhaiterait pouvoir terminer le semestre comme elle l’a commencé, c’est-à-dire à distance. On dénote une certaine incompréhension sur l’inflexibilité du côté universitaire, alors que le CCNB continuera de fonctionner en mode hybride jusqu’à avis contraire.
Les protocoles ne sont pas problématiques en tant que tels, soyons bien clairs. Sans être parfaits, ils sont perfectibles: on ne peut que se fonder sur les meilleures pratiques pour les créer, et tout le monde apprend sur le tas. Des ajustements sont inévitables - pour peu qu’on se montre flexibles à régler les problèmes et qu’on accepte de voir les choses d’une perspective qui permet d’éliminer certains angles morts.
Car le diable est dans les détails, et les détails sont dans l’application. Ça inclut l’application partielle, inexistante, ou modifiée au gré de chacun. Car, que voulez-vous, la majeure partie de l’expérience en salle de classe dépend des préférences de chaque prof - dans les limites du cadre établi par les Règlements universitaires qui, ô surprise, laissent *un peu* de place à l’interprétation.
Il y a une lueur d’espoir quand même, puisqu’à force de se faire pointer du doigt ses angles morts, l’Université de Moncton a publié une énième note de service le 3 février, en prévision du retour ce lundi. Cette dernière établit en des termes plus clairs (du moins, jusqu’à preuve du contraire) quelles sont les responsabilités de tout le monde, et donc devrait permettre de rétrécir la marge de manœuvre dans l’application des mesures sanitaires en salle de classe.
Voici ce qui en ressort, principalement:
1-Les profs ont le devoir d’accommoder les personnes en isolement en appliquant l’une ou l’autre, ou une combinaison quelconque de:
2-Les profs ne doivent pas vous faire perdre des points si vous restez à la maison en raison d’un résultat positif à la COVID-19;
Rendre le contenu vu en classe disponible sur CLIC (notes, lectures, vidéos, etc.);
- Enregistrer les cours et partager l’enregistrement (format libre) avec le fichier Powerpoint;
- Ajouter une narration aux fichiers Powerpoint;
- Embaucher une personne pour prendre des notes de cours, puis partager le document sur CLIC;
- «Toute autre mesure permettant d’accommoder les étudiantes et les étudiants» - et là, votre interprétation vaut la mienne… même si l’exemple fourni (et je dis bien «exemple») est d’ouvrir une session Teams pendant le cours pour permettre de participer à distance.
C’est à ce point vague qu’on nous pardonnera de croire que du code Morse ou une danse interprétative pourrait constituer une «mesure», parce que liberté académique. J’exagère, évidemment, mais cette dernière “option” cible clairement vos profs un peu moins technophiles, qui ne peuvent être forcés d’appliquer des mesures malaisantes.
Alors n’excluons pas la peinture rupestre, le sémaphore, la sténographie, ni le télégraphe, un coup parti, simple question d’être prévoyant. Stop.
Après tout, la convention collective laisse chaque prof libre « de choisir et d'utiliser le matériel didactique qu'elle ou il juge pertinent, y compris la liberté d'utiliser ou non une technique ou une technologie précise ». On mise beaucoup sur la bonne foi, disons.
3-Les profs ne peuvent pas exiger de billet du médecin pour justifier les absences liées à la COVID-19;
4-Les décanats des facultés fourniront des masques KN-95 aux personnes enceintes ou immunodéprimées. Bon, il faut demander;
5-Les étudiant.e.s peuvent demander aux profs de préciser quelles sont les mesures d’adaptation qui seront disponibles pour les personnes en isolement.Et, si ces mesures sont jugées inadéquates (comme disons, un quipu inca, méthode efficace, certes, mais peu accessible) les étudiant.e.s doivent le signaler au vice-décanat de leur faculté.
Ici j’ouvre une autre parenthèse pour vous indiquer que la mise en œuvre des notes de service, qui sont en l’essence des précisions sur l’application des règlements, est placée sous la responsabilité des décanats. L’Université fournit le «quoi», et les décanats s’occupent du «comment», pour simplifier.
Alors, dès que le «comment» pose problème, il faut le signaler au décanat. Si vous voyez que les mesures sont mal appliquées, ou manquent d’uniformité dans leur application à la faculté, il est pertinent de le rapporter à la vice-doyenne ou au vice-doyen, qui pourra ensuite apporter les précisions qui s’imposent.
6-Une distance de 1 mètre entre les étudiant.e.s s’applique toujours en salle de classe, et ce en tout temps, en plus du port du masque.
- Ceci dit, les profs peuvent enlever leur masque pendant l’enseignement, tant qu’une distance de 2 mètres est respectée avec les personnes présentes.
- La grande beauté du système métrique, c’est qu’un mètre a la même longueur partout, alors dans le doute, mesurez!
7-Les personnes non-vaccinées doivent maintenant faire 3 tests rapides par semaine. Cela dit, l’Université rapporte que cette obligation touche seulement 3% de la population universitaire.
Donc, voilà qui résume ce qui a “changé” depuis le début du semestre. Il y a une multitude d’autres mesures qui restent en vigueur, mais qui font maintenant partie du quotidien sur le campus et sur lesquelles il semble inutile de revenir ici. Si vous voulez vous familiariser davantage avec ces dernières, vous pouvez consulter les notes de service #39 à 46 sur le site de l’Université.
Dans le monde extérieur, qui dit règlement dit forcément conséquences pour qui ne les suivrait pas. Pour l’essentiel, ces dernières n’existent pas dans ce cas-ci, par la même magie noire faisant que les problèmes académiques n’existent pas à moins de faire l’objet d’une plainte officielle, qui se résume encore trop souvent à un processus inexplicablement long à justifier pour en aboutir à une tape sur les doigts.
Et on parle d’un règlement universitaire à part entière, ici. Alors imaginez quand il est question d’une mesure temporaire, comme le sont les notes de service. Mais passons. Ce n’est pas dire que les problèmes ne doivent pas être réglés, mais que personne ne sera puni pour les avoir causés. En tout cas, du côté du corps professoral.
L’essentiel ici est de voir comment les règlements seront appliqués, car dès que l’Université tente de dire tant soit peu au corps professoral la manière de faire son travail ou, Dieu nous garde, ajouter quoi que ce soit à leur charge de travail, le langage utilisé est tellement flou qu’à chaque fois la question se pose - on suggère, on exige, ou on espère?