Photo : Marc-Samuel Larocque, agent de communication
Le (sous) financement des universités.
À la réouverture de l’Assemblée législative à la fin mai, l’opposition a voulu débattre d’enjeux non-liés à la gestion de la pandémie (tout en demeurant engagée à collaborer en ce qui touche la réponse provinciale à la COVID-19), c’est-à-dire faire son travail d’opposition. (Radio-Canada) Il semble que ceci semblait poser une menace à la stabilité de la province, après des mois de silence. Ou du moins, la suite des choses pointe en ce sens. Ajoutons qu’il y a trois sièges vacants à l’Assemblée législative, et égalité au niveau du nombre de députés entre progressistes-conservateurs et libéraux.
Donc, pour éviter que « seulement trois circonscriptions » décident de l’avenir de son gouvernement à l’issue des élections partielles prévues cet automne, on en est là. (Radio-Canada) Certains soulignent à juste titre l’ironie de la situation, quand la dernière élection fut décidée par deux sièges. (Acadie Nouvelle)
Mais qu’on soit d’accord ou pas avec les raisons ou le moment de l’élection, ça reste notre devoir de voter. On peut s’attendre à une participation plus faible, évidemment, parce que pandémie. (FÉÉCUM)
Et si nous n’avons pas accès aux bureaux de scrutin sur le campus pour encourager le vote chez les 18-24 ans, comme ce fut le cas lors des deux dernières élections provinciales, il faut au minimum pouvoir parler d’enjeux touchant le secteur postsecondaire.
Le premier de ces enjeux, et le plus pressant, est celui du (sous) financement des universités.
Pour faire aussi court que possible, le gouvernement provincial remet des fonds aux universités pour les aider à financer leurs opérations. Ces fonds doivent couvrir la majorité du coût de l’éducation des étudiant.es, le reste de ce coût étant assuré par les droits de scolarité.
Nous parlons ici des universités publiques; les universités et collèges privés fonctionnent différemment, et sont libres de facturer la totalité du coût des études aux étudiant.es. Ça explique pourquoi un programme “semblable” peut y coûter beaucoup plus cher.
Le gouvernement provincial ne les finance donc pas directement; en revanche, il finance les étudiant.es, qui remettent ces fonds aux institutions. La chose en soi est-elle mauvaise? Pas forcément car elle appuie l’accessibilité des études; mais peut-on mal faire une bonne chose? Absolument. (FÉÉCUM)
La formule de financement utilisée pour subventionner le fonctionnement des universités publiques du N-B (Mount Allison, UNB, St. Thomas et Moncton) est conçue de sorte à récompenser la croissance, en accordant leur part de l’enveloppe en fonction du nombre d’équivalents temps plein pondérés (ETPP) qu’on y compte chaque année. Cette mesure - en somme - doit refléter le coût de prestation de l’éducation dans chaque programme d’étude. Sa composante de base est l’équivalent temps plein (ETP), qui est différent de l’inscription.
Prenons 2018-19 par exemple: l’Université de Moncton (Campus de Moncton, ou UMCM) comptait 4010 inscriptions (3570 à temps plein et 440 à temps partiel), tous cycles confondus, ou 3673,37 ETP. Ce sont les inscriptions à temps partiel (103,37 ETP pour 440 inscriptions) qui causent la différence assez marquée entre les deux mesures, car leur valeur ETP est inférieure à 1,00. (CESPM)
Ensuite, les ETPP sont calculés en appliquant un coefficient de pondération au nombre d’ETP dans chaque programme d’études. Je ne trouve pas les tables pour le N-B, mais en 2018-2019 au Québec (et merci la transparence, hein?) la pondération suivante s’sppliquait au 1er cycle (Gouvernement du Québec):
- Psychologie: 1,00
- Administration, Droit, Éducation, Sciences humaines, Sciences sociales: 1,38
- Génie, Informatique Nutrition, Science infirmière, Sciences pures: 2,10
- Beaux-Arts: 4,72
- Médecine: 5,11
- Agriculture, Dentisterie, Foresterie: 8,66
- Médecine vétérinaire: 14,51
Les mêmes valeurs pourraient bien ne pas être applicables chez nous, mais ça vous donne au moins une idée de la logique derrière la pondération des programmes. Or donc, la croissance est récompensée, et récompensée davantage dans certains programmes, comme vous pouvez le voir. 10 inscriptions à temps plein (1,00 ETP) en Droit, par exemple, équivalent à 13,80 ETPP, alors que 10 inscriptions en Génie équivalent à 21,00 ETPP.
Là où le bât blesse, c’est que les universités doivent de plus en plus se tourner vers les inscriptions internationales dans l’espoir de poursuivre leur croissance. Et espoir est le bon mot, car le recrutement à l’international leur permet à peine de stabiliser les inscriptions. (CESPM) Ce ne serait peut-être pas aussi problématique si la formule de financement était conçue en ce sens, mais tristement: « Les étudiants internationaux de premier cycle ne sont pas financés en utilisant la formule de financement du Nouveau-Brunswick. » (CESPM)
Ça pose problème comme vous pouvez le deviner, parce que l’accueil d’étudiant.es internationaux demande plus que l’ajout d’un siège en salle de classe; il y a tout un éventail de services académiques, administratifs et étudiants qui doivent pouvoir leur être prodigués en parallèle pour leur offrir une éducation de qualité.
Aux dernières nouvelles, le gouvernement examinait la formule de financement (adoptée en 1979) afin d’identifier des solutions au problème, l’une des options considérées étant un financement lié au rendement (Acadie Nouvelle) Il faut dire qu’on ne parle peut-être pas du même problème des deus côtés de l’équation, non plus. (FÉÉCUM) Mais de part et d’autre, le tout se pense dans un contexte de ralentissement économique qui encourage la montée de l’austérité chez les gouvernements.
Entre temps, il demeure possible que le nombre d’inscriptions augmente alors même que le nombre d’ETPP financés diminue. En alors il y a deux issues possibles: un déficit structurel, ou une hausse rapide des droits de scolarité.
Mais pourquoi choisir? Ici, s’endetter ET charger toujours plus cher, on le peut!
Les deux dernières années ont été particulièrement dures à ce chapitre, avec deux augmentations consécutives de 8% à l’Université de Moncton - qui reste malgré tout l’université publique avec les droits de scolarité les moins élevés au N-B, comme on aime tant nous le rappeler.
Ça s’explique aussi: en tant que seule université francophone dans un milieu minoritaire, l’Université de Moncton reçoit une subvention spéciale visant à appuyer l’accessibilité des études pour la communauté francophone. Ce montant s’élevait à 5,5 M$ en 2019-2020 (UMoncton). Ce serait long à expliquer, mais d’un point de vue historique, structurel et économique, la communauté anglophone a pu bénéficier de certains avantages dont la communauté francophone a dû se passer, notamment dans le domaine de l’éducation supérieure, et y’a du rattrapage à faire. (FÉÉCUM)
Les défis actuels en financement n’épargnent aucune des quatre universités publiques de la province, par contre. Tout le monde traverse la même tempête, même si nos embarcations sont différentes.
Le gouvernement ne contrôle peut-être pas la température, mais il affrète les navires qui doivent la traverser, cette tempête: va-t-il les abandonner à leur sort?
Espérons que non, parce que sans navire, on n’ira nulle part à part vers le fond.
Aucune position officielle du C.A. de la FÉÉCUM ne devrait en être nécessairement interprétée.