Blogue 1 d’une série à ce sujet.
Texte de réflexion par Pierre Losier, directeur général et Raymond Blanchard, agent de projets et de recherche.
Photo: Cédric Ayisa
Ces dernières semaines, plusieurs témoignages (Radio-Canada) ont été publiés sur les médias sociaux dans le but de dénoncer la violence à caractère sexuel, les agressions sexuelles et l’inconduite sous toute ses formes. Instagram semble être la plateforme principale où ces récits ont été partagés, bien qu’on en ait vu surgir ailleurs. Le mouvement de dénonciation anonyme a rapidement pris de l’ampleur, et l’Acadie n’a pas été épargnée - ni l’Université de Moncton. (Acadie Nouvelle) Plusieurs de ces témoignages ont ciblé un professeur au département d’art dramatique en particulier, pour de nombreux comportements répréhensibles qui se sont produits à répétition et sur plusieurs années. Dans leur réponse, les communications de l’Université de Moncton ont indiqué que l’institution s’est dotée d’une politique sur la violence à caractère sexuel en 2017 (UMoncton) et qu’aucune forme de violence n’est tolérée sur les campus (Radio-Canada).
Cette politique est effectivement en place depuis 2017 et constitue un élément de solution au problème de la violence à caractère sexuel. Au fond, je crois que cette politique est un bon outil de base, sans être la solution à tous les problèmes. Pour que cette politique fonctionne, il faut que les gens la connaissent, l’utilisent, l’appliquent et plus encore, y croient. Et c'est ici qu’il y a encore beaucoup de travail à faire collectivement, en tant que communauté universitaire. Améliorer la politique est bien et certainement nécessaire de façon périodique, mais si les membres de la communauté universitaire ne la connaissent pas, ne l’utilisent pas, ne l’appliquent pas et n’y croient pas, tristement elle ne sert à rien.
Le simple fait que la politique ait été adoptée en 2017 et que ce professeur se trouvait encore à l’horaire en 2020 (NOTE: depuis les sorties sur instagram, son nom ne figure plus au répertoire), démontre que ce document ne règle pas tous les problèmes. Avec la création de cette politique en 2017, l’Université a franchi un pas important pour l’avenir. En revanche, cela n’efface en rien les erreurs du passé, ni ne garantit qu’elle ne soient répétées. Voilà qui souligne l’importance de passer à l’action pour instaurer une vraie culture du consentement, qui permet à chaque membre de la communauté universitaire de se sentir en sécurité sur les campus de l'Université de Moncton.
Tout d’abord, je crois qu’il est important que notre institution puisse répondre aux questions des victimes du passé. Ceci ferait en sorte que les victimes et les victimes silencieuses - passées, présentes et futures (car en dépit de la politique, on sait qu’il y aura encore des victime) puissent croire en la sincérité de l’Université de Moncton dans son engagement à régler ces situation une fois pour toute. Malheureusement, les années d'inaction de bien des personnes en position d’autorité, font en sorte que les victimes n’ont aucune raison de la croire sur parole. Et ces questions sont nombreuses: un communiqué ne suffira pas.
La première et la plus frustrante de ces questions est également la plus urgente: comment plusieurs doyens, doyennes, directions de département, collègues et même des membres de la haute administration ont pu être au courant de cette situation inacceptable sans que rien ne soit fait pour protéger les victimes ? Effectivement, les témoignage de plusieurs victimes et de témoins des événements qu’elles rapportent indique clairement que plusieurs plaintes ont été faites sur ce professeur. Je crois que plusieurs de ces victimes ont fait des plaintes ou dénoncé la situation aux collègues de ce professeur. Malgré ce nombre inconnu de plaintes qui n’ont pas suivi les procédures “officielles”, plusieurs victimes ont été accompagnées par la FÉÉCUM pour déposer une plainte en bonne et due forme, et des suivis ont dû avoir lieu sur ces dernières. Qu’une bonne partie des supérieurs de ce professeur ait été au courant (qu’il s’agisse de plaintes, de témoignages, ou même de rumeurs, il est pratiquement impossible de trouver une personne surprise par ces dénonciations), depuis plusieurs années et qu’aucune action concrète n’ait été prise pour protéger les victimes appelle une réponse de l’Université de Moncton. Si on dénonçait une inconduite sexuelle de cet ordre dans le gouvernement, j'entend déjà l’opposition demander haut et fort une enquête publique pour élucider l’affaire.
L’Université ne peut plus se cacher derrière l’excuse qu’aucune plainte “officielle” n’a été faite, car les témoignages démontrent clairement le contraire. Le fait que certaines plaintes aient été déposées après la fin du parcours universitaires ne doit d’aucune façon offrir l’excuse de ne pas faire les suivis nécessaires; que les victimes sentent le besoin d’attendre d’être à l’abri des conséquences pour en parler ne fait qu’ajouter à la gravité de la situation.
Et l’Université ne peut pas non plus jouer la carte de la définition d’une plainte officielle pour protéger les personnes en position lors de ces événement. Trop de monde était au courant et même témoins de ces inconduites répétées pour ne pas passer à l’action. Purement et simplement, ceci les rend complices d’une culture du viol. (FÉÉCUM) Comment ces personnes en position d'autorité peuvent expliquer aux victimes, aux parents de ces victimes et à la communauté universitaire qu’une quantité importante de dirigeants ont préféré se passer le dossier l’un à l’autre, pour ensuite l’ignorer quand le bruit finit par s’éteindre ? Pour redonner un peu de respect au victime, sur toutes ces années, je crois fortement que l'Université doit se doter d’un processus qui fasse la lumière sur ces années d'inaction qui permette aux victimes de fermer un chapitre douloureux de leur vie, et démontre aux futures étudiantes et futurs étudiants que l’engagement de l’Université va au-delà des belles paroles.
Dans cette situation comme dans bien d’autres, les dirigeants successifs qui ont préféré l’inaction ne sont pas les seuls à porter le blâme. Nous-mêmes, en tant que membres de la communauté universitaire, avons un rôle important à jouer. Quand on écoute les victimes, il devient clair que la communauté universitaire toute entière a failli à sa tâche. Il est temps que finisse l’époque des témoins silencieux, dont l’inaction fait aussi partie du problème. On se doit, comme communauté universitaire, de dénoncer toute forme de violence, peu importe la personne qui la produit et qui la subit, pour devenir activement une partie de la solution. De plus, dans sa politique, l'Université de Moncton permet aux témoins d’intervenir de plusieurs manières, mais tout particulièrement à la rubrique 12.4:
12.4 Protection de la communauté universitaire Lorsque l’Université de Moncton prend connaissance d’une situation de violence à caractère sexuel par ou contre un membre de la communauté universitaire, que ce soit sur ses campus ou dans le cadre d’une activité externe liée à l’Université de Moncton, et que ladite situation présente un risque pour la sécurité de ses membres, elle doit prendre toutes les mesures raisonnables pour assurer la sécurité de l’ensemble des membres de la communauté universitaire. L’Université de Moncton peut être tenue d’entamer des mesures pour s’assurer qu’une telle situation soit traitée conformément aux obligations juridiques et à ses politiques en vigueur, l’emmenant à enquêter sur de telles allégations, et ce, que la personne s’estimant avoir été victime décide de porter plainte ou non. En pareil cas, la personne s’estimant avoir été victime restera informée du processus entamé par l’Université de Moncton et pourra toujours porter plainte plus tard si elle a choisi de ne pas le faire au départ. Dans le cas d’une plainte déposée par l’Université de Moncton, le respect de la confidentialité sera maintenu tout au long des démarches associées (voir l’art. 11 – Confidentialité).
Donc, si un témoignage fait en sorte que “L’Université de Moncton prend connaissance d’une situation de violence à caractère sexuel”, celle-ci doit “prendre toutes les mesures raisonnables pour assurer la sécurité de l’ensemble des membres de la communauté universitaire”. Donc à titre de membre de la communauté universitaire nous avons un devoir d’agir comme témoins actifs, de dénoncer les violences à caractère sexuel, pour appuyer et pour protéger les victimes et aussi pour éviter qu’il y ait d’autres victimes à l’avenir. Toute la communauté est plus forte quand ceci se produit. Au contraire, en ne dénonçant pas ce type d’action quand nous en sommes témoins, on ne fait que renforcer une culture toxique qui encourage et banalise la violence à caractère sexuel tout en protégeant les agresseurs.
Je suis très loin d’être un expert sur ce sujet, je l’admet; mais une chose est claire, nous faisons tous partie de la solution - ou du problème - comme membres de la communauté universitaire.
Aucune position officielle du C.A. de la FÉÉCUM ne devrait en être nécessairement interprétée.