Photo : Marc-Samuel Larocque, agent de communication
Dans le texte précédent, on a vu quel sera le portrait au niveau des droits de scolarité à l’Université de Moncton au fil des prochaines années. En gros, entre 2019-2020 et 2022-23, on aura des étudiant.e.s qui paieront des prix différents pour les mêmes programmes d’études. Une partie - les cohortes inscrites en 2018-2019 et avant - sera partiellement exemptée de la prochaine hausse en septembre, et l’autre partie, non. (FÉÉCUM)
Mais ça, on le savait déjà. Ce qui reste à voir, c’est à quel point il serait “nécessaire” pour l’Université de Moncton d’augmenter les droits de scolarité si son objectif est de maintenir un certain statu quo, à la lumière des tendances dans les dépenses et les inscriptions.
Il faut mettre au clair dès le départ que ce texte ne veut aucunement défendre une éventuelle augmentation, ni en faire l’apologie. La FÉÉCUM reste fermement opposée à toute hausse des droits de scolarité. (Twitter) Cela dit, un des effets pervers (et/ou objectifs) de l’entente de financement actuelle est de maintenir les universités dans une situation de sous-financement planifié. On serait mal avisés de l’ignorer.
Bref, sans accepter docilement la situation, ne jouons pas à l’autruche:
2018-2019 a été positive côté finances à l’Université de Moncton, ses revenus ayant augmenté de 3,8%. Ajoutons cela à près de 13 M$ en surplus au cours des deux dernières années (malgré des budgets déficitaires), et l’optimisme devrait être à son comble. (UMoncton) Oui, mais non: l’institution souligne un manque à gagner auto-déclaré de « plus de 20 M$ » dans son dernier budget. Dans une situation que l’on devine “idéale” d’après les explications données par l’Université, les revenus auraient continué à progresser au même rythme qu’entre 2009 et 2012 et dépasseraient aujourd’hui la barre des 140 M$.
Sauf que, sauf que. Quand on regarde les budgets pour ces années (UMoncton), on constate que les chiffres n’ont rien à voir avec ce qui se retrouve dans le tableau. Ils n’ont rien à voir avec les chiffres des états financiers vérifiés, non plus. Voyez plutôt:
Source: Université de Moncton, Budgets 2010-2011 à 2012-2013 (UMoncton)
Bref, j’hésite à utiliser les données du tableau, parce que la gymnastique comptable à leur origine m’échappe. Les budgets de l’Université de Moncton nous serviront donc de base, car ceux-ci servent à la planification des opérations. Donc, l’augmentation annuelle moyenne des revenus entre 2009-2010 et 2012-2013 a été de 2,73 M$/an et 2,6%/an. 2,6% par année d’augmentation jusqu’en 2018-2019, à partir des revenus budgétés en 2012-2013, nous donnerait un revenu “idéal” de 129,1 M$ en 2018-2019, plutôt que de 140 M$.
Maintenant, essayons d’estimer ce que devront être les revenus de l’Université de Moncton en 2022-2023. La date n’est pas choisie au hasard: la hausse de 2019-2020 sera déterminée en fonction de l’objectif fixé pour ce moment, quand toute la communauté étudiante paiera à nouveau les mêmes droits de scolarité.
Mais avant de poursuivre, quelques postulats pour guider nos estimés:
- Si les dépenses de l’Université de Moncton maintiennent leur tendance actuelle, elles augmenteront de 2,2% chaque année (moyenne des trois dernières années, depuis le dégel des subventions);
- Si les revenus de l’Université de Moncton avaient été de 129,1 M$ au dépôt du budget 2018-2019, sa situation serait “idéale” (i.e. sans manque à gagner);
- Si le revenu actuel de l’Université était de 129,1 M$ et que la tendance 2009-2012 en termes de croissance des revenus (soit 2,6%) était maintenue jusqu’en 2022, l’Université de Moncton aurait alors des revenus de 143,1 M$;
- La proportion du revenu qui provient de la scolarité demeurera inchangée à 27,2%;
- La proportion du revenu qui provient des subventions provinciales demeurera inchangée à 67,7%.
Comme on le voit, les deux principales sources de revenu de l’Université de Moncton sont les subventions provinciales et les droits de scolarité. La subvention reçue de la province en 2018-2019 s’élevait à 76,2 M$. On sait déjà qu’elle doit augmenter de 1% l’an prochain, et de 2% l’année d’après, pour s’établir à 78,5 M$. (GNB) Le scénario optimiste maintiendra donc cette augmentation à 2% par la suite (ce qui est d’une tristesse), et le réaliste, un taux annuel de 1%.
Voilà donc à quoi peut s’attendre l’Université de Moncton en termes de subventions provinciales en 2022-2023, si les tendances actuelles sont maintenues.
En termes de total des revenus, explorons trois scénarios, soit un réaliste qui maintient la tendance des trois dernières années (+2,2%), un idéal qui applique celle observée entre 2009-10 et 2012-13 (+2,6%), et un optimiste qui maintient le taux observé en 2018-2019 à moyen terme (+3,8%). Le tout, en partant des revenus actuels, et des revenus “idéaux”, histoire de se donner une idée du manque à gagner dans chacun des scénarios.
On parlerait donc ainsi d’un manque à gagner situé quelque part entre 18,2 M$ (d-a) et 19,7 M$ (f-c) en 2022-2023, ce qui s’approche du « plus de 20 millions » dénoncé présentement.
Dernière étape; la croissance des revenus par source, qui nous donnerait quelque chose du genre (arrondi au dixième près):
Alors voilà: à moins que le gouvernement provincial se décide subitement de mettre fin au sous-financement planifié de nos universités publiques, la subvention provinciale octroyée à l’Université de Moncton devrait se chiffrer entre 80,1 M$ et 81,7 M$ en 2022-2023, donc entre 1,3 M$ et 2,9 M$ de moins que le scénario le plus réaliste (a).
Et, selon ce même scénario, les revenus tirés de la scolarité augmenteraient de 2,7 M$ entre 2018-2019 et 2022-2023, soit 8,8% en 4 ans.
Enfin, si la hausse des revenus en 2018-2019 était tirée à parts égales des subventions et de la scolarité (49% chaque), aucune raison de croire que ce sera le cas d’ici 2022-2023. Si les subventions ne suffisent pas à combler le manque à gagner, les fonds devront être tirés d’autres sources.
Alors, qui va écoper?
Ça, pas besoin de projections pour le deviner - on le sait: à moins que l’Université ne développe subitement de nouvelles sources de revenus, c’est vers la population étudiante qu’elle se tournera. Ce sont au moins 1,3 M$ supplémentaires qui s’ajouteront à la facture des étudiant.e.s, soit la différence entre les besoins de l’Université en termes de subventions, et la croissance prévisible de ces dernières.
Alors le 2,7 M$ (8,8%) d’augmentation des revenus de scolarité de notre scénario le plus réaliste devient subitement 4 M$ (13%), en l’espace de quatre ans. Vous demandez-vous toujours pourquoi les étudiant.e.s manifestent? (Radio-Canada)
Et encore, jusqu’ici nous n’avons parlé qu’en termes de revenus globaux: la facture individuelle - celle qui, soyons francs, intéresse le plus - dépendra largement de ce qui se dessine au niveau des inscriptions. Ça, on s’y attaque dans le prochain texte.
Aucune position officielle du C.A. de la FÉÉCUM ne devrait en être nécessairement interprétée.