Texte : Raymond Blanchard, agent de recherche et projets
Photo : Marc-Samuel Larocque, agent de communication
Bonne nouvelle à l’Université de Moncton: on apprend que les inscriptions sont en hausse pour une deuxième année consécutive. Ça fait du bien à entendre et en quelque part, ça a de quoi nous rassurer quant à l’avenir de notre institution.
Ce serait certainement intéressant d’avoir devant nous des chiffres qui nous permettent de savoir si les programmes d’aide financière mis en place ces dernières années y sont pour quelque chose. On sait toutefois que l’augmentation est plus forte du côté des étudiant.e.s provenant de l’international, et que ceux-ci n’y ont pas accès.
Sauf que dans le contexte actuel, en marge du prochain budget provincial qui sera plus que probablement défini par des compressions devant permettre un retour durable à l’équilibre budgétaire, il y a comme un drôle de calcul qui me trotte dans la tête. Je me questionne à savoir quel effet l’augmentation des inscriptions, combinée à la stagnation du (sous-)financement universitaire, combiné à la possibilité d’augmenter presque à volonté les droits de scolarité à la prochaine rentrée universitaire, aura concrètement sur les étudiant.e.s de l’Université de Moncton.
Tout sauf évident, il faut concéder; mais quelques variables nous sont déjà connues.
On peut s’attendre à ce que la subvention de fonctionnement remise à l’Université augmente de 1%. Le gouvernement Higgs a déjà montré qu’il a l’intention d’honorer les engagements pris par le gouvernement précédent en matière de financement. Il n’en offrira pas moins, mais il n’en offrira pas plus. Pensez aux Jeux de la Francophonie.
Cela dit, rien de certain quant au maintien des deux programmes d’aide financière aux étudiant.e.s inaugurés par le gouvernement Gallant; HIggs a dit qu’il veut voir des résultats, et il reste à savoir ce qu’il a comme attentes - pour le moment on n’en sait rien. (FÉÉCUM)
Les investissements en éducation, s’il y en a, se feront certainement dans les projets d’apprentissage expérientiel. La structure de base est déjà en place, et les objectifs du projet correspondent d’assez près aux orientations du parti au pouvoir en ce qui concerne l’arrimage du secteur postsecondaire avec le marché du travail.
Vous croyez peut-être que je suis excessivement pessimiste en ce qui concerne l’éducation postsecondaire, mais vous vous trompez: je suis extrêmement pessimiste pour l’ensemble des ministères. Évidemment, à l’exception du ministère du Développement de l’énergie et des ressources (parce que oléoduc, schiste, et bois d’oeuvre). Le discours du Trône a aussi évoqué l’idée d’une réforme de l’aide sociale, mais dans ce second cas, le but est plus de diminuer le nombre de prestataires que d’investir des fonds. M. Higgs semble même intéressé à subventionner des salaires à partir de la caisse de l’aide sociale pour y parvenir. (Radio-Canada)
OK, bon, sont rendus où mes moutons, moi là?
Or donc, la subvention augmentera de 1% - ce qui signifie 762 000$ additionnels en principe puisque l’Université de Moncton a reçu 76,2 M$ en subventions provinciales cette année. (UMoncton)
Il faut savoir, également, que le Conseil des gouverneurs (CGV) a discuté en décembre de la possibilité d’augmenter les droits de scolarité de 5% pour les étudiant.e.s qui s’inscriront à l’automne 2019. (Radio-Canada)
Ajoutons que les étudiant.e.s inscrits avant 2019-2020 bénéficient d’une exception qui plafonne leurs augmentations à 2% par année pour la durée de l’entente. (UMoncton)
Pourquoi cette exception arrive-t-elle à la 3e année d’une entente de 4 ans, me demanderez-vous? Rappelons que les élections provinciales étaient l’automne dernier; ça se voulait autant de l’aide aux étudiants que de l’aide aux Libéraux. Poin poin.
Il en résulte un portrait assez complexe, qui serait difficile à rendre en mots, alors j’y vais en en tableau :
Alors déjà, on voit que les augmentations vont varier pour les différentes cohortes à compter de cet automne. Rien n’est clair dans le cas des étudiant.e.s internationaux, mais tout porte à croire que l’augmentation de 5% (ou plus, ou moins selon la décision ultime de l’Université) s’appliquera de la même manière dans leur cas. Considérant l’importance de la population étudiante internationale dans la croissance future de l’institution, il serait idiot d’appliquer l’augmentation de 5% à tout le monde. Pas impossible; l’entente le permet. Simplement idiot.
En termes de coût de la scolarité, maintenant :
On pourrait se projeter un peu plus loin dans l’avenir, mais sans savoir à quoi ressemblera une nouvelle entente de financement, difficile de le faire. Règle générale, les augmentations des droits de scolarité sont plafonnées à 2%, ce qui voudrait dire qu’après le départ des derniers diplômé.e.s exemptés de la hausse de 5% (en 2022-23), le coût de la scolarité au premier cycle à l’Université de Moncton serait de 6626$ pour les étudiant.e.s canadiens, et de 12 143$ pour les étudiant.e.s internationaux. Voilà qui serait en principe l’objectif visé en appliquant cette année une hausse de 5%.
Soyons justes: ce sera probablement encore bien en-deçà des coûts en vigueur dans les autres universités de la province. On sait déjà que la hausse à UNB, bien que différenciée d’un programme à l’autre, sera bien plus importante car les augmentations proposées varient entre 338$ (5%) en Arts et 2028$ (30%) en Droit. (Brunswickan)
Mais la grande question, celle qui me chicote dans tout ceci, est la suivante: de combien d’argent supplémentaire l’Université de Moncton aurait-elle vraiment besoin pour maintenir le cap? On nous annonce ces dernières années de bonnes nouvelles en termes d’inscriptions, mais qu’en est-il au niveau des étudiant.e.s qui s’amènent vraiment sur le campus? Et puis, n’oublions pas que pour chaque cohorte qui rentre, il y en a une autre qui sort; on peut très bien continuer à jeter plus d’eau dans un seau troué sans jamais arriver à le remplir. La note continue d’augmenter pour les étudiant.e.s, en contrepartie.
La question reste de savoir si on est plus nombreux même si les inscriptions augmentent. Aussi, qu’est-ce que ça signifie pour le coût de l’éducation à l’Université de Moncton? Si la population étudiante diminue, il faut s’attendre à ce qu’il y ait des impacts au niveau du coût de l’éducation, notamment au chapitre des dépenses académiques (moins d’étudiant.e.s peut en principe aussi signifier moins de profs) et des espaces (moins d’étudiants et moins de profs pourrait signifier un besoin réduit en espaces physiques).
Tout ça par contre, on en reparlera dans un autre texte.
Aucune position officielle du C.A. de la FÉÉCUM ne devrait en être nécessairement interprétée.
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