Par Raymond Blanchard, agent de recherche et projets.
Trois des quatre universités publiques du N-B viennent de signer une nouvelle entente de financement avec le gouvernement provincial; les plus avisés se rappelleront que lors du dépôt du dernier budget - il y a pratiquement un an - la ministre des Finances avait dit qu’elle comptait signer ces dernières « au cours des prochaines semaines ».
Soyons francs, c’est un miracle qu’elle y soit arrivée en un an (FÉÉCUM).
Seule l’Université St. Thomas a refusé de signer; après cinq ans de financement séparé, dispensé des limites imposées aux institutions par le gouvernement, on devine que l’idée de suivre la parade semble peu invitante. L’entente spéciale signée par St. Thomas, sous le gouvernement Alward, arrivait d’ailleurs à échéance cette année; peut-être croit-on qu’il sera possible d’en signer une nouvelle. La chose serait surprenante et, si elle s’avère, il faudra poser de sérieuses questions à Moncton.
Car plusieurs croyaient que Moncton aussi refuserait de signer, mais c’est fait.
Que contient alors l’entente signée avec tant d’enthousiasme par le recteur Théberge, à sa dernière journée de travail? Si on s’en remet à l’annonce faite par le gouvernement, elle concrétise une promesse électorale des Libéraux, qui était d’assurer la prévisibilité des droits de scolarité pour la durée du programme d’étude.
Dis de même, c’est joli: mais si on gratte le vernis, il s’agit pour l’essentiel de savoir d’avance à quelle vitesse la facture va gonfler pour les étudiant.e.s? J’admet que ma version est moins vendeuse, mais je n’ai pas la bosse du marketing.
L’annonce vient avec peu de détails, comme on pourrait s’y attendre (GNB), mais permet de se faire une idée du fonctionnement général. D’abord, les universités publiques recevront 1% de plus en financement de base pour les trois premières années de l’entente, puis 2% la quatrième
Histoire de se donner idée de l’impact réel de cette annonce, j’ai commencé à regarder les budgets de l’Université de Moncton qui, pendant les cinq dernières années, étaient tous déficitaires. Ce qui est intrigant, c’est que les états financiers vérifiés, eux, ne le sont pas. Il y a bien eu deux années de grave déficit en 2013 (3,8 M$) et 2014 (9,6 M$), mais les trois années suivantes se sont soldées par un surplus de 2,6 M$, 3,0 M$ et 3,8 M$ (UMoncton).
Je ne suis pas beaucoup plus fort en comptabilité qu’en marketing, mais - ???
Alors, même si l’Université s’en tire assez bien, les étudiants devront continuer à payer toujours plus. La seule différence étant qu’on connaîtra d’avance le rythme de l’augmentation. Comme si la jeunesse n’était pas déjà assez blasée de la politique...
En clair, les étudiant.e.s inscrits en 2018-2019 ou avant ne verront pas leurs droits de scolarité augmenter de plus de 2% par année (ce qui est un langage codé pour dire « vont augmenter de 2% par année ») pour ces quatre années (Acadie Nouvelle).
Faisons le calcul. Une année d’étude à l’Université de Moncton vous coûte 5830$ en 2017-2018; ce coût grimperait à 5946$ l’automne prochain, puis 6065$ celui d’après et enfin 6186$ à la quatrième année. Le coût de la scolarité à Moncton en 2021-2022 atteindrait ainsi 6310$.
La facture augmentera de 480$, ou 8,2%, en l’espace de 4 ans. Et il faudrait remercier le gouvernement pour sa générosité? Cibole, suffit que le gaz monte d’une cenne le litre et on parle quasiment de révolution! On parle de 24 000$ pour un baccalauréat, alors qu’il est devenu presque impensable d’intégrer le marché du travail (dans un emploi autre qu’au salaire minimum) sans un diplôme du premier cycle du postsecondaire. D’ailleurs, rappelons que la scolarité à elle seule représente environ un tiers du coût des études universitaires.
Oh - et ce plafond de 2% ne s’applique qu’aux étudiant.e.s du N-B, pas à ceux qui viennent de l’extérieur. Ça permet d’imiter UNB qui a annoncé l’année dernière une augmentation de 5%, avant d’y appliquer un rabais de 3% pour les étudiant.e.s originaires de la province pour respecter le plafond de 2% imposé par la province (CBC). Ce genre de pratique insidieuse (mais légale) pourrait bien devenir la norme.
D’un coin de la bouche, on encourage les universités à charger plus cher au monde de l’extérieur, et de l’autre on leur dit de travailler pour augmenter les inscriptions.
La valeur d’un bien est largement une fonction de sa rareté, et le diplôme postsecondaire est de moins en moins rare (Statcan) ; il coûte de plus en plus cher, en revanche. Le gouvernement veut ainsi que davantage de citoyens accèdent à une éducation dont la valeur diminue à mesure que le coût augmente.
Disons en revanche que les diplômés qui seront embauchés par les employeurs de la province seront, pour leur part, meilleur marché à mesure que leur nombre augmentera. Rien ne motive plus à accepter un emploi sous-rémunéré ou pour lequel vous êtes surqualifié qu’avoir pour seul réel avantage de vous trouver au devant de la file.
Si vous n’en voulez pas, tant pis pour vous; d’autres seront heureux de le prendre.
Revenons à l’annonce, car il reste quelques détails auxquels nous n’avons pas encore touché. D’abord, le plafond de 2% ne s’appliquera plus à compter de 2019-2020. Dans les mots du gouvernement: « Les universités peuvent entreprendre un examen des droits de scolarités dont les résultats ne seraient mis en œuvre qu’en 2019-2020 et ne toucheraient que les nouveaux étudiants inscrits en 2019-2020 ».
Le plan semble d’avoir, pour chaque nouvelle cohorte, des augmentations planifiées sur quatre ans. Ça signifie que deux étudiant.e.s inscrits au même programme à deux années d’intervalle, voire au même cours, ne paieront pas forcément le même prix.
Ensuite, une seconde partie du financement sera liée aux « projets pilotes vis[ant] à augmenter le taux d’inscription ainsi que les possibilités en matière de recherche et développement. » On n’en dit pas plus que ça sur la question, mais en nous basant sur les subvention provinciales versées à l’Université de Moncton en 2017-2018 (UMoncton), on peut estimer à 6,9 M$ la part des 15 M$ réservés à l’Université de Moncton qui sera rattachée aux projets pilotes:
Et si ceux-ci ratent leur cible, il semble que rien n’engage le gouvernement à verser ces fonds. Mais, si cette augmentation de revenus (si insuffisante soit-elle) est prévue et nécessaire, devinez d’où elle viendra si ce n’est pas de Fredericton?
Dernière chose, les universités se présenteront devant un comité de l’Assemblée législative. Saura-t-on enfin si c’est le sous-financement ou la mauvaise gestion qui constitue la plus grande menace à notre système d’éducation postsecondaire (FÉÉCUM)? Espérons que c’est en ce sens que le gouvernement compte aborder la question avec ce comité. Mais j’en doute.
Il y a fort à parier qu’on va tenter de ramener la question des indicateurs de rendement par cette voie . Ça ne fait pas partie des ententes signées, mais le gouvernement semblait résolument engagé sur cette voie il y a deux ans à peine (FÉÉCUM).
D’ici là, tout ce qui est clair est que vos études vont coûter plus cher, et que trois des quatre universités publiques de la province ont signé une entente qui leur garantit une augmentation pour les quatre prochaines années, qui devrait leur en donner juste assez pour les garder affamées, si on en croit le discours des institutions.
Si.
Aucune position officielle du C.A. de la FÉÉCUM ne devrait en être nécessairement interprétée.