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Zut, ça fonctionne!
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par Raymond Blanchard, agent de recherche et projets
Je ne vous apprendrai rien en disant qu’en 2015 le gouvernement du N-B a aboli un programme d’allègement de la dette étudiante, et réduit l’accessibilité au second (FÉÉCUM).
En compilant des données, je constate un portrait – et des tendances – intéressantes sur les programmes du gouvernement provincial. Regardons d’abord le Rabais du N-B sur les droits de scolarité (RDS), qui en est présentement dans sa dernière année d’existence (Acadie Nouvelle). D’ici-là, si vous êtes éligibles, PROFITEZ-EN (GNB). Si vous êtes confus, ceci (FÉÉCUM) pourrait vous aider en vous expliquant comment ça fonctionne.
À son lancement en 2008, le coût du RDS fut de 2,5 millions$ et le crédit moyen de 1045$. Pendant sa courte existence ce coût a grimpé à 19,1 millions$ et le crédit moyen à 2038$. Puisque le montant total maximum était de 20 000$ sur 25 ans (GNB), que le crédit maximum annuel était de 4000$ et qu’à peu près personne ne paie d’impôt provincial l’année après sa graduation, on peut certainement douter que beaucoup de bénéficiaires aient atteint ce total.
Malgré tout, si l’on considère le fait que le nombre de bénéficiaires a quadruplé et le bénéfice moyen doublé en huit ans, l’hypothèse que la fin du programme est due à son efficacité me semble plausible.
Ça marchait – fallait arrêter ça là. Voyez plutôt :
Ce n’est certes pas dû à la publicité que le gouvernement accordait au RDS non plus; nous avons déjà parlé ad nauseam du problème de visibilité dont il était victime. Je suppose qu’on aurait préféré un rendement médiocre à Fredericton.
Parlant de rendement médiocre, regardons maintenant du côté de la Prestation du N-B pour l’achèvement des études dans le délai prévu (PAÉ), que le gouvernement a récemment modifié en secret (Radio-Canada).
Contrairement au RDS, que la FÉÉCUM a souvent critiqué, l’efficacité du PAÉ n’est pas à remettre en cause; son rendement, par contre, laisse à désirer (FÉÉCUM).
Le parcours du PAÉ jusqu’ici est plutôt intéressant : lancé en 2010, son coût est demeuré relativement stable depuis, avec un écart de 2,2 millions$ entre son point le plus bas et le plus élevé. C’est tout le contraire du RDS dont les coûts ont gonflé exponentiellement. C’est sans doute pourquoi il est celui des deux programmes qui a survécu – bien que sérieusement amoché – à la révision stratégique des programmes du gouvernement Gallant.
La différence fondamentale provient de l’inaccessibilité programmée du PAÉ : y accéder est problématique car il faut avoir terminer son baccalauréat dans le délai prévu, ce que seuls quatre étudiants sur dix parviennent à faire dans les Maritimes (CESPM).
Les données sur lesquelles pouvait s’appuyer le gouvernement libéral de Shawn Graham en 2010, montrent un taux de diplomation de 39% après la 4e année (CESPM). Du pareil au même.
Le gouvernement savait ce dans quoi il s’embarquait avec ce programme; les risques n’étaient pas les mêmes car il savait d’entrée de jeu qu’environ 60% des universitaires seraient inéligibles au PAÉ. Alors, au lieu d’investir dans les universités pour améliorer le taux de diplomation en finançant l’ajout de ressources et de personnel enseignant (ce qui aurait représenté un investissement à long terme), il a opté pour la méthode de la carotte et du bâton.
Même là, en regardant les chiffres, ça manque de carotte.
Si 4663 diplômes ont été décernés au N-B en 2013 (CESPM), et que la dette étudiante moyenne au N-B s’élevait à 35 200$ cette même année (Consolidated Credit), sachant que dans notre province 71% des étudiants ont contracté une dette d’études (Statistique Canada), soit [4663 x 0,71 = 3310,73], et que parmi les diplômés ayant contracté une dette d’études 68% ont accumulé une dette dépassant 25 000$, on serait en droit de s’attendre à ce que [3310,73 x 0,68 = 2251,29] soient éligibles au programme. Le niveau d’endettement moyen dévoilé par le gouvernement du N-B en 2011-2012, soit 35 156$, laisse certainement supposer qu’une forte proportion de ces derniers ait été admissible au PAÉ.
Or, il n’y a que 610 (ce nombre est estimé pour 2013) de ces 2251 diplômés (27%) qui accèderont au PAÉ. Cela démontre non seulement l’impact des barrières à l’accès, mais est également très inférieur au seuil des 40% terminant leur baccalauréat dans le délai prévu.
Et pourquoi? On peut postuler que le coupable principal est le manque de publicité. Ce programme demeure encore relativement inconnu et a fait l’objet d’à peu près zéro promotion après les élections de 2011, perdues par le gouvernement Graham. Il est resté caché seul dans son coin (GNB) sans trop faire de bruit, comme espérant que personne ne le remarque.
Aucune offre active du programme n’a été fournie par le gouvernement : on a choisi la logique du cheval et de la rivière, mais sans pointer le chemin au cheval.
D’ailleurs, le nombre de bénéficiaires du PAÉ est lui aussi demeuré très stable depuis son lancement en 2010 :
N’en doutez pas : la stabilité du PAÉ est ce qui lui a évité la peine capitale, ce que le RDS n’a pu éviter au printemps 2015.
L’annonce récente des modifications au programme, qui ont fait passer le seuil d’accès de 26 000$ à 32 000$, découle de l’augmentation des prestations moyennes octroyées en vertu du PAÉ. Il ne faut pas se leurrer : le nombre de bénéficiaire n’a pas augmenté mais le coût des études continue de gonfler et le financement inadéquat des universités menaçait de coûter cher au gouvernement.
Comment?
Hé bien, même si de moins en moins de jeunes Néo-Brunswickois accèdent aux études universitaires (CESPM), le coût de ces dernières est en croissance perpétuelle, ce qui résulte en des dettes d’études de plus en plus substantielles au N-B. Une dette plus forte – même en situation de diminution des bénéficiaires du PAÉ – signifie un montant moyen par bénéficiaire à la hausse.
D’après les chiffres du ministère, on peut estimer la dette étudiante moyenne chez les diplômés accédant au PAÉ à 40 300$ en 2014-2015 (en combinant le seuil d’accès de 26 000$ et le bénéfice moyen de 14 300$). Les prévisions pour 2015-2016 nous disent qu’il y aura encore 83% des bénéficiaires qui seront admissibles [501 ÷ 605 = 0,828] et que leur dette moyenne sera de 43 700$ (d’après un seuil d’accès de 32 000$ et un bénéfice moyen prévu de 11 700$).
Soit dit en passant, 83% de notre estimé en termes d’éligibilité au PAÉ (2251), ça nous fait 1868 bénéficiaires. 1868 bénéficiaires à 11 700$, ça nous donne un coût de 21,8 millions$. On ne se questionne pas longtemps quant à l’absence flagrante de promotion du PAÉ par le gouvernement.
Et, face à ces chiffres désolants, le gouvernement a examiné le PAÉ et n’a pu qu’en venir à une seule conclusion, qui à son tour justifie les modifications apportées au seuil d’accès :
Zut, ça fonctionne!