Photo : Marc-Samuel Larocque, agent de communication
Y’en aura pas, de rabais de 20 000$
Tout récemment, l’éducation postsecondaire a volé la vedette à l’Assemblée législative. La chose en soi est assez rare, d’où l’importance de la souligner. Faut dire qu’à force de couper, à un moment où à un autre il devait bien y avoir des explications.
D’abord, le 8 mai, une question fut posée au ministre de l’Éducation postsecondaire, de la Formation et du Travail (MEFT), Trevor Holder, sur les coupures en science infirmière. Il a répondu que le financement octroyé aux universités à des fins de recrutement n’avait pas produit de résultats.
Juste avant, le ministre de la santé, Hugh Flemming, disait que l’investissement de 32 à 34 millions$ fait au cours des quatre dernières années n’avait produit aucune position en science infirmière aux universités de Moncton ou du Nouveau-Brunswick. Je ne suis pas certain de comprendre s’il parle de places dans les programmes, ou de places dans les hôpitaux étant donné la manière dont il aborde le sujet, mais bon.
Rappelons que ces millions étaient liés à une entente datant de 2005, signée par le gouvernement Lord (Radio-Canada), dont le ministre Holder faisait d’ailleurs partie. Ça remet les choses en contexte.
Ensuite, Holder ajouta que la stratégie de recrutement qui doit remplacer les fonds versés aux universités, quand elle sera présentée (ce qui laisse présumer peu de progrès à ce jour), produira des résultats, et je cite: « a heck of a lot quicker than they [les libéraux] did it. » (Questions orales, 8 mai 2019, 10:55)
Bien envoyé, monsieur le ministre. Déjà on se demande s’il s’agit d’une démonstration d’aptitude ou si ça se limite à l’attitude (et je penche pour l’option B).
Ne croyez pas non plus que je critique un seul côté de la Législature; de l’autre côté les libéraux étaient plus qu’heureux de se faire passer pour Robin des bois et ses joyeux compagnons courant sus au vilain Shérif de Quispamsis et sa bande de sbires, au coeur de la forêt de Irvingham. Belle image mentale, tout ce monde en collants, mais bref. Désolé.
Donc le 9 mai, l’éducation postsecondaire ouvre carrément la session. On demande à M. Holder s’il saisit l’ampleur de l’impact des coupures sur les étudiant.e.s de famille à faible revenu, particulièrement dans le Nord de la province (i.e. la population francophone). Il répond - et répètera à maintes reprises - que « there is all kinds of up-front bursary money still in place in New Brunswick [...] The difference is that now there are hundreds more students across the province who have access to it and who had been left behind by the previous government » (Questions orales, 9 mai 2019, 13:30)
Ces centaines d’étudiant.e.s, vous l’aurez compris, suivent un programme de formation dans un établissement privé. Dix-sept centaines, d’après les estimations du MEFT. (GNB)
Quand on lui demande s’il est prêt à reconsidérer les coupures apportées au DSG, plutôt que rétablir un crédit d’impôt qui « est bien pour les gens du Nouveau-Brunswick à revenu élevé », le ministre répond que « there were 48 000 New Brunswickers who took advantage of The Tuition Tax Credit when it was in place previously, and out of those, 87% were students with a combined family income of below 50 000$. So this argument that it helps only the well-off is simply not true [...] » (Questions orales, 9 mai 2019, 13:30)
Il est faux de dire que le crédit d’impôt aide seulement les plus riches - et tel n’est pas le noeud du problème. Le problème, c’est que le régime fiscal ne permet pas aux parents à faible revenu d’en tirer bénéfice au même rythme. Et encore moins aux étudiant.e.s.
Prenons l’exemple de deux familles: la première avec un revenu de 50 000$, l’autre avec un revenu de 150 000$ (incluant 4% en paie de vacance). Leurs enfants vont à la même université et paient les mêmes frais (prenons Moncton car on la connaît le mieux):
- scolarité à temps complet - 1er cycle: 5947,00$
- frais afférents: 896,15$ (incluant l’assurance)
Quoi qu’il en soit, on reste loin d’un montant susceptible de révolutionner le concept d’accessibilité des études postsecondaires. Il semble peu probable, de plus, que tout le monde y ayant droit en profite au même rythme tant qu’il s’agira d’un crédit d’impôt non-remboursable.
De plus, M. Holder propose des chiffres qui soulèvent des interrogations: quand il dit par exemple qu’en 2015, 48 000 Néo-Brunswickois, dont 87% étaient des étudiant.e.s avec un revenu combiné de moins de 50 000$ (alors 41 760 étudiant.e.s), bénéficiaient du crédit d’impôt sur les frais de scolarité, comment compte-t-il ces personnes? Selon Statistique Canada, un total de 28 317 étudiant.e.s étaient inscrits dans les collèges et universités du N-B en 2014-2015, et 27 492 l’année suivante (Statcan).
De un, parle-t-il de diplômé.e.s ou d’étudiant.e.s? Il faudrait être plus clair sur la question. De deux, où diantre les trouve-t-il tous? On a beau être obsédés par le camo (à l’intérieur) au N-B, mais y’a des limites! Dur à croire qu’il y en ait 20 000 cachés derrière des plantes vertes...
Clairement - et je terminerai là-dessus - il y a un problème de communication sur la question du crédit d’impôt. Je crois que la majorité des étudiant.e.s enthousiasmés par son retour pensent qu’ils reverront le crédit de 20 000$ aboli en 2015, alors que ce n’est absolument pas le plan du gouvernement Higgs de ramener ce dernier.
Et pour cause: à peu près aucun contrôle ne pouvait être exercé sur les coûts de ce programme, qui coûtait au gouvernement 2,5 M$ l’année de son lancement, et 25,7 M$ l’année de son élimination en 2015 (GNB) : une augmentation de 928% en 9 ans.
Il serait incompréhensible qu’un gouvernement qui se définit par la responsabilité financière rétablisse un programme aussi ruineux. C’est 👏 pourquoi 👏 il 👏 ne 👏 l’a 👏 pas 👏 rétabli.
Je ne critique aucunement la décision: mais il faut que ce soit mis au clair.
Quand le ministre Holder parle d’une pétition de 14 000 signatures, pour motiver le rétablissement du crédit d’impôt sur les droits de scolarité, il fait presque certainement erreur sur l’objet de cette pétition. On peut difficilement croire qu’il s’agisse d’autre chose que la pétition de la New Brunswick Graduates Organisation (NBGO), en réaction à l’abolition du Rabais de 20 000$ sur les droits de scolarité, en 2016. (Radio-Canada) et qui avait récolté près de 20 000 signatures sur change.org.
Le ministre Holder s’est d’ailleurs référé directement à une « pétition électronique venant de gens nous disant que ce crédit d’impôt était ce qui les gardait dans la province. » durant la période de questions du 27 novembre 2018 [à 13:25], alors qu’il critiquait le manque de résultats du DSG et du PADSCM. Le seul crédit d’impôt qui ait jamais été lié à la rétention des diplômé.e.s était le RDS.
Leurs demandes visaient bel et bien le rétablissement du Rabais sur les droits de scolarité (Tuition Rebate) et non pas du Crédit sur les droits de scolarité (Tuition Tax Credit). Voyez par vous-même (Change.org)
Malgré la masse de signatures amassées en peu de temps après l’annonce de l’élimination du RDS, cette dernière n’a essentiellement aucune valeur au regard de l’Assemblée législative. Pour qu’une pétition soit admise comme argument en Chambre, elle doit être déposée en version papier (incluant signature et adresse) et parrainée par un membre de l’Assemblée. Ça peut sembler ridicule d’ignorer une pétition de 20 000 noms, mais gardez en tête que signer une pétition sur Change.org peut être fait par n’importe qui, n’importe où, et pour n’importe quelle raison - et même plus d’une fois par la même personne. Il faut donc que les pétitions qui exigent l’action de l’Assemblée soient signées par des citoyennes et citoyens de la province, et que leur statut soit attesté et vérifiable.
Logique, si on y pense.
NBGO a donc relancé l’appel, sous le parrainage de David Coon, qui a déposé la pétition en Chambre le jeudi 19 mai 2016, enregistrée comme suit (je souligne):
M. Coon (Fredericton-Sud) dépose sur le bureau de la Chambre une pétition exhortant le gouvernement à rétablir le Rabais sur les droits de scolarité au Nouveau-Brunswick et à dispenser de leur dette étudiante les diplômés habitant dans la province. (Pétition 43.)

(Journaux de l’Assemblée législative du Nouveau-Brunswick, Deuxième session de la 58e législature, p. 137)
Il faut ajouter que le langage utilisé portait à confusion: alors que le titre de la pétition parlait du «Tuition Tax Credit», les demandes des signataires mentionnent très clairement le «Tuition Tax Rebate». Évidemment, l’enregistrement de la pétition déposée par David Coon élimine tout doute sur l’objet réel du document. En passant, Change.org notait 907 signatures, pas 14 000, pour la 2e version de la pétition. (Change.org) Et, en général, il y en a toujours plus sur la version web que la version papier.
Bref, est-ce que le ministre est confus quant aux demandes de la pétition à laquelle il semble donner toute autorité, ou est-ce qu’il trouve un bénéfice à entretenir cette confusion? À vous de me le dire, mais d’entrée de jeu son mandat semble douteux si le rétablissement du crédit d’impôt se veut une réponse à la pétition évoquée à répétition.
Que ce soit l’un ou l’autre, le MEFT aurait intérêt à aligner ses flûtes et clarifier son discours. Je suis même prêt à leur suggérer un message clair, net et précis à envoyer aux diplômés:
Y’en aura pas, de rabais de 20 000$
Aucune position officielle du C.A. de la FÉÉCUM ne devrait en être nécessairement interprétée.
Je ne critique aucunement la décision: mais il faut que ce soit mis au clair.
Quand le ministre Holder parle d’une pétition de 14 000 signatures, pour motiver le rétablissement du crédit d’impôt sur les droits de scolarité, il fait presque certainement erreur sur l’objet de cette pétition. On peut difficilement croire qu’il s’agisse d’autre chose que la pétition de la New Brunswick Graduates Organisation (NBGO), en réaction à l’abolition du Rabais de 20 000$ sur les droits de scolarité, en 2016. (Radio-Canada) et qui avait récolté près de 20 000 signatures sur change.org.
Le ministre Holder s’est d’ailleurs référé directement à une « pétition électronique venant de gens nous disant que ce crédit d’impôt était ce qui les gardait dans la province. » durant la période de questions du 27 novembre 2018 [à 13:25], alors qu’il critiquait le manque de résultats du DSG et du PADSCM. Le seul crédit d’impôt qui ait jamais été lié à la rétention des diplômé.e.s était le RDS.
Leurs demandes visaient bel et bien le rétablissement du Rabais sur les droits de scolarité (Tuition Rebate) et non pas du Crédit sur les droits de scolarité (Tuition Tax Credit). Voyez par vous-même (Change.org)
Malgré la masse de signatures amassées en peu de temps après l’annonce de l’élimination du RDS, cette dernière n’a essentiellement aucune valeur au regard de l’Assemblée législative. Pour qu’une pétition soit admise comme argument en Chambre, elle doit être déposée en version papier (incluant signature et adresse) et parrainée par un membre de l’Assemblée. Ça peut sembler ridicule d’ignorer une pétition de 20 000 noms, mais gardez en tête que signer une pétition sur Change.org peut être fait par n’importe qui, n’importe où, et pour n’importe quelle raison - et même plus d’une fois par la même personne. Il faut donc que les pétitions qui exigent l’action de l’Assemblée soient signées par des citoyennes et citoyens de la province, et que leur statut soit attesté et vérifiable.
Logique, si on y pense.
NBGO a donc relancé l’appel, sous le parrainage de David Coon, qui a déposé la pétition en Chambre le jeudi 19 mai 2016, enregistrée comme suit (je souligne):
M. Coon (Fredericton-Sud) dépose sur le bureau de la Chambre une pétition exhortant le gouvernement à rétablir le Rabais sur les droits de scolarité au Nouveau-Brunswick et à dispenser de leur dette étudiante les diplômés habitant dans la province. (Pétition 43.)

(Journaux de l’Assemblée législative du Nouveau-Brunswick, Deuxième session de la 58e législature, p. 137)
Il faut ajouter que le langage utilisé portait à confusion: alors que le titre de la pétition parlait du «Tuition Tax Credit», les demandes des signataires mentionnent très clairement le «Tuition Tax Rebate». Évidemment, l’enregistrement de la pétition déposée par David Coon élimine tout doute sur l’objet réel du document. En passant, Change.org notait 907 signatures, pas 14 000, pour la 2e version de la pétition. (Change.org) Et, en général, il y en a toujours plus sur la version web que la version papier.
Bref, est-ce que le ministre est confus quant aux demandes de la pétition à laquelle il semble donner toute autorité, ou est-ce qu’il trouve un bénéfice à entretenir cette confusion? À vous de me le dire, mais d’entrée de jeu son mandat semble douteux si le rétablissement du crédit d’impôt se veut une réponse à la pétition évoquée à répétition.
Que ce soit l’un ou l’autre, le MEFT aurait intérêt à aligner ses flûtes et clarifier son discours. Je suis même prêt à leur suggérer un message clair, net et précis à envoyer aux diplômés:
Y’en aura pas, de rabais de 20 000$
Aucune position officielle du C.A. de la FÉÉCUM ne devrait en être nécessairement interprétée.