Par Raymond Blanchard, agent de recherche et projets.
Tout dernièrement, nous vous avons présenté une première solution proposée pour régler le problème des stages non-rémunérés, soit - l’évidence même - la rémunération des stages.
Bien entendu, on parle d’une rémunération au salaire minimum, qui n’est certainement pas l’idéal. Les professions où les stagiaires sont appelés à travailler offrent un salaire beaucoup plus élevé, et ce dès l’entrée dans la profession; les raisons pour lesquelles nous avons fait ce choix sont expliquées dans un texte précédent. (FÉÉCUM)
Mais pour l’essentiel, c’est une question de présenter un calcul aussi égal que possible.
Maintenant, nous présentons une seconde solution au problème des stages non-rémunérés, cette fois centrée sur la réduction de l’impact des dépenses supplémentaires obligatoires. Dans chaque programme visé par la campagne Mon stage me ruine, les étudiant.e.s qui vont en milieu de stage font face à des coûts supplémentaires (vêtements et instruments de travail, déplacements, stationnement, permis, formations, vaccins, certifications, etc.). Le sondage FÉÉCUM sur les stages non-rémunérés (FÉÉCUM) établit la valeur moyenne de ces coûts (moyenne pondérée) à 1300$ par personne.
Ce 1300$, pour certains, est entièrement composé de dépense qui n’auraient pas à être faites - ou du moins, pas immédiatement - si ce n’était de la situation de stage. Ce qui n’entache aucunement la valeur du stage lui-même, où l’expérience acquise est considérée un atout majeur dans la poursuite d’une carrière dans le milieu après les études. Le sondage est aussi très clair sur cette question.
Pour d’autres, ce 1300$ se compose de coûts qui seraient probablement présents en temps normal (alimentation, déplacements, logement, etc.). Par contre, la situation de stage porte ces étudiant.e.s à compléter du travail - en parlant des stages de fin de programme - qui de par sa nature et les tâches qu’il comporte, serait rémunéré dans toute autre circonstance.
De plus, ces dépenses dites normales peuvent aisément gonfler en raison des exigences liées au stage (éloignement, ajout d’un second loyer, passes de stationnement, etc.).
C’est pourquoi notre proposition va au-delà de la marque des 1300$. Pensons aussi qu’en l’absence d’un salaire pour l’accomplissement d’un travail significatif dans leur milieu de stage, une bonification de l’aide financière est plus que justifiable. Vous avez vu ce que le travail des stagiaires permet au gouvernement d’économiser chaque année (FÉÉCUM) alors redonner un peu aux stagiaires serait la moindre des choses s’il faut continuer à refuser de leur verser un salaire.
Revenons sur la question des dépenses: on entend souvent dire que les stagiaires n’auraient pas le choix de faire plusieurs des achats qui doivent être faits pendant le stage pour intégrer la profession. C’est oublier qu’à l’entrée dans la profession on devient salarié, et que ce salaire permet de mieux absorber ces dépenses au lieu de les ajouter à une dette étudiante déjà lourde. Cette dette étudiante, à la fin des études (ou pendant quand il s’agit de dette privée contractée auprès des institutions financières, comme une marge de crédit), engendre inévitablement de l’intérêt. Donc non seulement les stagiaires doivent payer quelque chose qui, il faut l’accepter, est indispensable à intégrer leur milieu de travail, mais il leur faudra continuer à le payer longtemps après que la valeur de l’achat initial aura été remboursée. Parce que intérêt.
Et l’argument du « j’ai ben passé en travers sans aide moi, ils peuvent faire pareil », désolé mais ça ne fait aucune espèce de sens. Avec cette logique, on n’aurait jamais pu obtenir la gratuité des soins de santé, pour prendre un exemple que tout le monde comprendra.
Rappelons d’ailleurs qu’il est interdit - ou « fortement déconseillé », ce qui est du pareil au même quand on parle de programmes universitaires - d’occuper un emploi rémunéré à temps partiel pendant le stage. Ce revenu aiderait à soulager le fardeau financier additionnel que cette situation engendre. D’autres étudiant.e.s ne sont pas victimes de ces interdictions; sans même devoir faire face aux dépenses avec lesquelles doivent composer les stagiaires; on leur permet d’occuper un emploi à temps partiel et d’en tirer un revenu d’appoint. Il y a quelque chose qui cloche quelque part, vous en conviendrez.
Alors, comme solution à ce problème, nous proposons (après la rémunération du stage qui reste l’option la plus souhaitable) la création de bourses ciblées pour les stagiaires, à hauteur de 2000$.
Le calcul est beaucoup plus simple que pour l’option précédente, car tout le monde y reçoit le même montant, peu importe le programme. Encore une fois, les coûts additionnels n’étant pas les mêmes pour chaque programme ni d’une personne à l’autre, il s’agit d’une proposition qui peut faire certains mécontents, mais tel est le lot des mesures universelles.
Donc, tenant pour acquis qu’en moyenne au cours des cinq dernières années, il y a eu 992 stagiaires au total dans les programmes visés par la campagne Mon stage me ruine, on peut estimer le coût d’un programme de bourses ciblées pour ces stagiaires à 1.98 M$.
2000$ x 992 stagiaires = 1 984 000$. Pas plus compliqué que ça.
On parle ici du coût budgété du programme; car en regardant la courbe des diplômes remis dans ces cinq programmes sur une période de cinq ans, on voit à quel point les chiffres peuvent fluctuer, et donc le coût annuel des bourses proposées:
Les crêtes et les creux de vague dans les inscriptions en éducation et en science infirmière (30% et 52% du total des stagiaires, respectivement) sont chose courante, suivant des cycles d’environ cinq ans en général, soit la durée des programmes (5 ans en EDUC, 4 ans en SINF à quoi s’ajoute le délai avant l’accréditation). Quand quelques cohortes plus nombreuses sont diplômées, le nombre de places disponibles pour les suivantes va forcément diminuer, et de là vient la perception que le marché est saturé. Comme les gens sont moins tentés de se lancer dans un programme menant à l’emploi dans un marché où les places semblent limitées, et surtout un métier exigeant comme le sont ceux liés aux programmes de notre campagne, les cohortes diminuent de taille pour quelques années. Puis soudainement, on crie à la pénurie (comme c’est le cas ces deux dernières années en EDUC et SINF) et tout le monde se garoche en comptant sur une place garantie après le diplôme, ce qui relance le cycle.
Ah, et en terminant, pour qui se demanderait encore pourquoi cette seconde option n’est pas celle qui fut mise de l’avant en premier - parce que les coûts sont plus raisonnables et donc, les chances de succès plus élevées - jetons un rapide coup d’oeil sur ce que représente une bourse de 2000$ en termes de salaire pour le travail accompli:
Éducation, Gestion des loisirs, sports et tourisme, Travail social
(640 h de stage à la dernière année): 2000 ÷ 640 = 3.12$/heure
Nutrition-alimentation
(1680 heures de stage à la dernière année): 2000 ÷ 1680 = 1.19$/heure
Science infirmière
(405 h de stage à la dernière année): 2000 ÷ 405 = 4.93$/heure
Nous l’avons dit, le salaire minimum pour le travail accompli serait déjà trop peu - et si on regarde ce que représente une bourse de 2000$ en termes de substitut à la rémunération, ce n’est pas du travail forcé, non, mais...
Aucune position officielle du C.A. de la FÉÉCUM ne devrait en être nécessairement interprétée.